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plusieurs points avec quelques-unes des fédérations de l’Internationale, ils n’ont pas hésité à envoyer de Berlin un salut sympathique au Congrès de Bruxelles, et leur organe, le Neuer Sozial-Demokrat, a rendu compte de notre Congrès dans les termes les plus amicaux.

Quant à cette assertion, que le Bulletin aurait changé de doctrine, elle prouve simplement que la Tagwacht n’a pas lu nos articles d’autrefois, ou bien qu’elle ne comprend pas nos articles d’aujourd’hui.

La question devait être reprise plus tard.

X


De septembre à décembre 1874.


Pour commencer ce chapitre, j’ai à dire comment la rupture de Bakounine avec Cafiero et Ross, consommée le 3 septembre (voir page 210), eut sa répercussion chez les Jurassiens.

Le 3 septembre, Bakounine écrivait de Sierre à Emilio Bellerio une lettre (en français) où il lui disait :

« Cafiero et Ross sont venus me voir hier et ils sont repartis aujourd’hui. Nous avons tout liquidé. Je leur ai déclaré que je n’irai pas en Amérique ni nulle autre part, que je reste en Suisse, ayant pris la résolution irrévocable de me retirer complètement de la vie et de l’action politique, tant publique que secrète, et de me confiner désormais exclusivement dans la vie de famille et dans l’action privée. Pour pouvoir réaliser cette transition, tout en refusant, comme je le devais, la pension qu’il s’était proposé de me faire, je lui ai demandé cinq mille francs à titre de prêt, payables en deux ans et à six pour cent d’intérêt. Il me l’a fort gracieusement accordé, demandant seulement que la lettre de change ne fût signée ni par moi, ni par ma femme, mais par sa sœur, Mme Sophie Lossowska, ce que Sophie ne se refusera pas de faire, condition à laquelle j’ai consenti, ayant la certitude que nous paierons cette dette bien avant les deux ans révolus. Cette certitude est fondée sur les données suivantes :

« 1) Avant tout et aussitôt que je me serai casé, je me mettrai à écrire mes Mémoires. Depuis vingt ans on m’a pressé de le faire de tous les côtés, me promettant des éditeurs et un gain considérable ;… comme j’écris vite, une fois que je m’y mets, je compte bien les avoir finis avant un an, et j’ai lieu d’espérer qu’ils me donneront bien quelques milliers de francs ;

« 2) Je ferai pression sur mes frères comme je ne l’ai jamais fait jusqu’à présent, et, avant qu’une année se passe, je les forcerai bien à me remettre ma part légitime dans notre héritage commun, ce qui au minimum me donnera une somme de quarante à cinquante mille francs ;

« 3) Enfin, au pis-aller, je compte sur l’aide de Sophie, qui est en train, paraît-il, de devenir sérieusement riche[1].

« Ce sera le diable si avec ces trois cordes à mon arc je ne parviens pas à lancer une bonne flèche. En outre je me suis entendu avec Cafiero pour lui acheter, également à titre de prêt pour deux ans et avec le même intérêt de six pour cent, tous les meubles, ustensiles et linges de la Baronata dont nous aurions besoin ;… de cette manière nous pourrions louer une petite maisonnette non meublée, ce qui nous fera une grande économie. Je pense sérieusement à m’établir, si Antonie y consent toutefois, à Lugano ou tout près de Lugano ;

  1. D’après une communication d’Emilio Bellerio à Nettlau, ce passage se rapporte à des intérêts qu’avait Mme Lossowska dans des mines d’or en Sibérie.