Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/272

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grès général ; 3° Les membres Carl, Bolte et Praitsching sont expulsés de l’Internationale.

« Voilà une réjouissante comédie, n’est-il pas vrai ? Sorge déclaré traître par Carl, Carl expulsé par Sorge !

« Y a-t-il, dans ce conflit grotesque, un parti qui représente réellement le vrai socialisme international ? Nous en doutons beaucoup. Nous croyons que de part et d’autre il y a des intrigants, des charlatans, des ambitieux ; derrière ces meneurs sont probablement quelques hommes de bonne foi, aveuglés et mystifiés. Puissent ceux-là ouvrir les yeux à temps, se débarrasser de leurs chefs de file, et, en se réorganisant sérieusement, faire cesser des luttes scandaleuses ; luttes qui couvrent de ridicule, en Amérique, cette cause du prolétariat que les tristes personnalités dont nous venons de rapporter la querelle osent prétendre représenter. » (Bulletin du 27 décembre 1874.)


Ni de l’Angleterre, ni de la Hollande, le Bulletin ne contient des nouvelles pour les trois derniers mois de 1874.


En Suisse, il faut signaler entre autres, pendant ce trimestre, l’évolution faite par une minorité de membres de la Société du Grütli vers le socialisme ; et, dans le Jura, un mouvement de propagande et d’organisation se manifestant par des réunions, des conférences, et par la création de nouveaux groupements ouvriers.

La Société du Grütli est une association fondée à Genève, en 1838, par le pasteur appenzellois Joh. Niederer, le principal disciple de Pestalozzi. Un des hommes qui contribuèrent le plus à son développement fut Albert Galeer (1816-1851), de Bienne, qui avait des tendances socialistes. Cette association compta bientôt des Sections dans presque tous les cantons de la Suisse, et joua un rôle assez important durant la période des mouvements révolutionnaires qui précédèrent la reconstitution de la Confédération suisse sur une nouvelle base en 1848. Dans le quart de siècle qui suivit, les ouvriers, qui formaient la majorité des membres du Grütli, s’étaient habitués à marcher à la remorque des bourgeois radicaux ; mais des velléités d’indépendance commençaient, en 1874, à se produire parmi eux. Le Comité central, qui résidait à ce moment à Berne, et qui avait pour lui la majorité des sociétaires, prétendait rester dans le giron radical, tandis qu’une minorité, soutenue par l’organe officiel, le Grütlianer (qui se publiait alors à Winterthour), voulait donner la main à l’Internationale. À une assemblée générale du Volksverein (4 octobre), société politique radicale dont faisaient partie beaucoup de membres du Grütli, un Grutléen de Saint-Gall, le citoyen Moham, fit une profession de foi socialiste, et déclara que « la question sociale devait être résolue par la voie internationale » ; il fut vivement combattu par d’autres Grutléens, — entre autres par M. Lang, de Berne, président central, — qui protestèrent contre ses paroles au nom du patriotisme suisse. « Nous savons — écrivit le Bulletin en rendant compte de l’incident — qu’il est des sections du Grütli où l’élément socialiste se trouve en majorité : le moment n’est-il pas venu, pour ces sections là, de dire catégoriquement ce qu’elles veulent, et de rompre, une fois pour toutes, avec les politiqueurs bourgeois qui ne voient dans le Grütli qu’un marche-pied pour arriver aux places bien rétribuées ? » La question de la journée normale de travail avait été mise à l’ordre du jour dans les sections du Grütli, et l’association se proposait de faire une agitation en faveur de la limitation légale de la journée. J’écrivis à ce sujet l’article suivant (Bulletin du 1er novembre) :


Sur le fond de la question, c’est-à-dire sur la nécessité de diminuer la longueur de la journée de travail, nous sommes, il va sans dire, d’accord avec les Grutléens ;... mais nous n’admettons pas le moyen d’exécution que propose la Société du Grütli, et avec elle presque tous les ouvriers de la Suisse allemande : l’intervention de l’autorité législative. Nous allons