Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/288

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séminés dans les camps. Brissac est toujours à la quatrième, enchaîné avec un empoisonneur ; Lullier est en cellule... »

Une lettre de Paris (numéro du 30 mai 1875) donne les indications suivantes sur le mouvement ouvrier parisien : « On ne peut pas dire du mouvement ouvrier parisien qu’il n’existe pas, mais il est certain que son développement est lent et peu sûr... Il est clair, d’ailleurs, qu’après la proscription et la mort des meilleurs éléments, et sous le coup de la loi martiale, on ne peut s’attendre à un grand enthousiasme... Aujourd’hui, l’Exposition universelle de Philadelphie (annoncée pour 1876) vient fournir une occasion de groupement, comme précédemment celle de Vienne. Une réunion des délégués de cinquante corporations ouvrières a eu lieu. On a choisi parmi ces délégués une commission exécutive composée de dix-neuf membres... C’est au moyen d’une souscription qu’on se propose de couvrir les frais de la délégation à envoyer à l’Exposition... Avant la Commune, la tête et le bras, la pensée et l’action se trouvaient dans l’Internationale. Il y avait une unité de vues et une force d’impulsion capables de faire mouvoir cette immense machine du travail parisien. Mais depuis 1872, par absence d’entente plus que par manque de convictions socialistes, les ouvriers parisiens ont été les dupes du radicalisme, qui, à Paris comme partout, a besoin d’appuis électoraux. Ce n’est pas bien difficile à comprendre, quand on songe que Paris, qui lit chaque jour 50,000 exemplaires du Rappel parce qu’il passe pour être le plus démocratique de ses journaux, ne possède pas un seul journal socialiste. »


En Belgique, la grève de Charleroi (voir p. 241) s’était terminée sans effusion de sang, malgré la présence de la troupe, grâce à l’attitude paisible des ouvriers. Certains bourgeois ne furent pas contents ; ils auraient voulu un petit massacre comme ceux des années précédentes ; le Moniteur des industries belges écrivit : « Qu’on ne nous parle pas de la question d’humanité ! Votre humanité mal raisonnée est une cruauté ! Pour ne pas avoir eu l’énergie de faire feu sur les agresseurs dans le principe de l’émeute et de tuer par demi-douzaines d’hommes, vous devrez en tuer des milliers plus tard. »

Un Congrès de la Fédération belge eut lieu les dimanche et lundi 10 et 17 mai 1875 à Jemappes, dans le Hainaut. Les fédérations et groupes suivants y étaient représentés : fédération de la vallée de la Vesdre, fédération anversoise, fédération boraine, fédération du Centre, fédération bruxelloise, fédération gantoise, mineurs du Centre, sections de Lize-Seraing, mécaniciens de Jolimont, section de Fayt, cercle d’études sociales de Fayt, et section de Jemappes. Le Congrès décida que pour l’année 1876 le Conseil régional serait placé à Anvers, en pays flamand ; le Mirabeau resterait l’organe officiel de la Fédération belge pour la langue française, et le Werker d’Anvers deviendrait son organe officiel pour la langue flamande. On s’occupa ensuite de la nomination d’un délégué pour représenter la Belgique au futur Congrès international ; sur la proposition des délégués de quelques fédérations, qui n’avaient pas reçu mandat à cet égard, il fut décidé que cette nomination aurait lieu ultérieurement. La fédération gantoise avait proposé que le Congrès belge rédigeât et publiât un programme socialiste destiné à tracer aux ouvriers la marche à suivre pour arriver à l’émancipation du travail. « Cette fédération, qui paraît être sous l’influence d’hommes croyant encore à l’efficacité de la politique parlementaire, proposait un projet de programme où il était question du suffrage universel, d’instruction gratuite et obligatoire, de séparation de l’Église et de l’État, etc. C’était la première fois que, dans un congrès belge, des idées de ce genre étaient émises ; et heureusement elles n’y ont pas trouvé d’écho. » (Bulletin du 6 juin.)

Le même jour où s’était ouvert à Jemappes le Congrès régional, avait eu lieu à Anvers une grande fête socialiste pour l’inauguration du drapeau rouge de la section de cette ville ; des compagnons de Gand étaient venus participer à cette solennité. Devant un auditoire de quinze cents personnes, les compagnons Magermans et Van Beveren prononcèrent des discours enflammés : « C’est cet étendard, dit Magermans, que nous arborerons au grand jour de la Révolution,