Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/303

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mais à la masse ouvrière, — certainement que la cause du travail serait mieux servie que par cette agitation légale préconisée par les hommes de l’Arbeiterbund et favorisée par le parti radical suisse.

C’est là notre programme : nous rejetons toutes les fictions légales, et nous nous consacrons à une action permanente de propagande, d’organisation, de résistance, jusqu’au jour de la Révolution sociale.


Je crois utile, pour faire connaître plus complètement les idées qui avaient cours dans la Fédération jurassienne, de faire encore ici quelques citations d’articles du Bulletin.

Le 14 février 1875, revenant sur le programme soi-disant socialiste élaboré par M. Bleuler-Hausheer, rédacteur du Grütlianer, j’examinais divers points de ce programme, dont la plupart se retrouvaient également dans le programme de la démocratie socialiste d’Allemagne. Et voici ce que disait le Bulletin des quatre principaux :


« Appui financier accordé aux coopératives de production par l’État. »

Comment l’État se procurera-t-il le capital qu’il prêterait à ces coopérations de production ? Par l’impôt. Et l’impôt, nous l’avons prouvé, est payé exclusivement par les travailleurs ; les classes riches ne paient rien en réalité, quoi qu’elles aient l’air de payer. L’État, donc, prendrait d’une main dans la poche des ouvriers le capital que, de l’autre main, il paraîtrait leur fournir. Nous ne sommes pas dupes de ce manège, et ce que nous voulons, nous, c’est une révolution dans la propriété, qui restitue à la communauté ce que des exploiteurs se sont induement approprié aux dépens du travail de tous.

« Instruction gratuite à tous les degrés ; gratuité des livres d’école. »

Nous faisons ici le même raisonnement : la prétendue gratuité de l’instruction est une comédie, car les frais de cette instruction sont payés par l’impôt, et l’impôt est supporté exclusivement par le travailleur. Pour nous, nous voulons que l’instruction soit à la charge de la communauté, et qu’elle devienne intégrale, c’est-à-dire complète, développant à la fois l’intelligence et le corps, donnant à l’enfant toutes les notions scientifiques que doit posséder un homme cultivé, et le mettant à même de contribuer au travail manuel qu’exige le bien-être de la société. Mais avant de songer à organiser l’instruction intégrale, il faut s’occuper d’une question préalable : des moyens d’accomplir la Révolution sociale, sans laquelle nous tournerons éternellement dans un cercle vicieux.

« Émancipation de la classe des ouvrières, en faisant payer le travail de la femme au même taux que celui de l’homme. »

C’est là une utopie qu’on s’étonne de rencontrer sous la plume d’un homme qui se dit pratique. M. Bleuler ne sait-il pas que le taux du salaire dépend des frais plus ou moins considérables que nécessite l’entretien du travailleur ? La femme, s’entretenant à moins de frais que l’homme, sera toujours payée moins : on aura beau s’insurger contre cette loi fatale, il faudra courber la tête sous ce que Lassalle a si bien appelé das eherne Lohngesetz. Il n’y a qu’un moyen d’améliorer réellement la position des ouvrières : c’est l’abolition du salariat par la Révolution sociale.

Enfin : « Participation des ouvriers à l’administration et à la direction des établissements industriels (coopération du capital et du travail). »