Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/442

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daient, comme le Martello, à Fabriano, où écrivait Costa. Une fédération se constituait dans les Abruzzes, une autre en Sicile, une section était créée à Cagliari (Sardaigne). Le 20 août avait lieu à Iesi le Congrès de la fédération des Marches et de l’Ombrie : Costa, qui s’y était rendu, fut arrêté et conduit à Imola, où il reçut l’ammonizione. Le 1er septembre se réunit à Rome le Congrès de la Fédération romaine. De toutes parts on fondait des sections : chaque semaine en voyait surgir une demi-douzaine. À Florence fut formée une section de femmes, qui adressa un pressant appel à toutes les ouvrières d’Italie ; on y lisait : « Ce n’est pas l’émancipation bourgeoise de la femme que nous désirons, mais l’émancipation humaine, celle pour laquelle les ouvriers du monde entier s’associent aujourd’hui pour combattre demain ». Mais en même temps les persécutions gouvernementales et policières redoublaient : ammonizioni, emprisonnements, perquisitions, etc.

En septembre se tint à Gênes, avec une pompeuse mise en scène, le Congrès du parti mazzinien, hostile à l’Internationale ; la municipalité avait fait décorer la salle qu’elle avait mise à la disposition des délégués, et leur avait prêté sa musique : « on espère, dit à ce sujet le Bulletin, que l’année prochaine Sa Majesté le roi d’Italie leur fera accorder les honneurs militaires ». Les mazziniens luttaient avec acharnement contre les internationalistes ; à Fabriano, ayant appris que le Martello devait publier un article de polémique au sujet d’une lettre écrite par une notabilité du parti mazzinien, Campanella, ils intimèrent à la rédaction du journal la défense de faire cette publication, en déclarant que, si l’article paraissait, « ils descendraient dans la rue avec leurs carabines pour en finir avec les internationalistes ». L’article parut dans le Martello du 8 octobre, et les mazziniens, surpris de tant d’audace, jugèrent à propos de ne pas décrocher leurs carabines pour cette fois.

La Commission italienne de correspondance se trouvait empêchée, pour diverses raisons, de réunir le Congrès italien avant le dernier tiers d’octobre : elle écrivit en conséquence au Bureau fédéral, dans la première quinzaine de septembre, pour demander que le Congrès général, au lieu de s’ouvrir le premier lundi d’octobre, fût reculé jusqu’après le quatrième dimanche d’octobre. Lorsqu’elle eut reçu l’avis que le Bureau fédéral, d’accord avec elle pour ce nouvel ajournement, reportait la date d’ouverture au jeudi 26 octobre (voir plus loin p. 80), elle convoqua le Congrès de la Fédération italienne pour le dimanche 22 octobre à Florence. L’ordre du jour ne comprenait pas moins de dix-sept questions, proposées par diverses sections, parmi lesquelles se trouvaient celles-ci : « Doit-on encourager l’organisation de l’Internationale par corps de métiers ? (Naples.) — Est-il utile à l’Internationale de prendre part aux élections politiques, dans le but de faire affirmer par de purs socialistes les principes que défend notre grande Association, en face de la bourgeoisie qui siège au Parlement ? (Bari) — Les formes politiques sont-elles indifférentes au socialisme, ou doit-on aider à réaliser l’établissement d’une république possible? (Florence) — D’une organisation générale des caisses de résistance en Italie (Spolète). »

De nombreux délégués furent élus dans les diverses régions de l’Italie, pour se rendre à Florence. Afin que le Congrès pût terminer ses travaux avant l’ouverture du Congrès général, et que les délégués de l’Italie eussent le temps nécessaire pour faire le voyage de Florence à Berne, la Commission de correspondance avait prié les délégués des sections italiennes de se rencontrer à Florence dès le vendredi 20 octobre. Le gouvernement de M. Nicotera, que ce Congrès ennuyait, tenta alors un petit coup d’État : le jeudi 19 octobre il fit arrêter, à Florence, Costa et les deux membres de la Commission de correspondance, Natta et Grassi ; en outre, il fit occuper par la police et la troupe le local où devait siéger le Congrès et l’auberge où les délégués avaient leur rendez-vous, pensant empêcher par là le Congrès d’avoir lieu. Mais celui-ci n’en tint pas moins ses séances, et une lettre de Cafiero, publiée dans le Bulletin du 29 octobre, nous raconta en ces termes les incidents qui marquèrent la tenue du troisième Congrès de la Fédération italienne :