Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/451

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Comment se peut-il qu’après des années de propagande publique, nous soyons encore si mal compris ? Le rédacteur de la Tagwacht reçoit notre Bulletin ; s’il le lit, il aura pu y voir cent fois notre programme clairement exposé. Prenons un exemple entre plusieurs. Le Bulletin du 3 octobre 1875, s’adressant précisément à la Tagwacht, à propos des élections au Conseil national, s’exprimait ainsi :

« Nous n’attendons rien des prétendues réformes que daignerait nous octroyer une assemblée législative bourgeoise ; nous attendons tout du mouvement révolutionnaire qui, dans un avenir plus ou moins prochain, soulèvera l’Europe et balaiera ses vieilles institutions. Nous ne pensons pas toutefois, comme nous le font dire ceux qui diffèrent d’opinion avec nous à ce sujets que les révolutions s’improvisent ; nous savons qu’elles veulent être préparées, et qu’il faut que le peuple soit disposé à les comprendre et à les accepter. Mais c’est justement parce que nous voulons préparer la révolution, que dès à présent nous cherchons à éclairer le peuple sur le vide et le charlatanisme des institutions parlementaires, et que nous disons aux ouvriers : Groupez-vous pour devenir une force. Ne formez pas des associations destinées à faire de la politique électorale ; elles ne peuvent servir qu’à élever au pouvoir quelques ambitieux ; formez des sociétés de métier, des sociétés de résistance, associez ensemble vos intérêts de travailleurs ; en vous organisant ainsi pour la lutte économique, vous créerez l’armée de la future Révolution. »

Voilà qui est clair, semble-t-il ? Eh bien, non. Le directeur de la Tagwacht n’en persiste pas moins à nous faire dire ce que nous n’avons jamais dit, et condamne dédaigneusement, au nom de sa propre science, ce qu’il appelle notre religion.

Il n’y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

Toutefois, comme le devoir d’un organe de l’Internationale est de prêcher avec patience et persévérance ce qu’il regarde comme la vérité, — fût-ce à des sourds, — nous expliquerons une fois de plus ce que nous entendons par révolution ; et notre explication, nous l’emprunterons aujourd’hui au préambule d’une brochure publiée par l’un des nôtres.

Voici comment s’exprime à ce sujet l’auteur des Idées sur l’organisation sociale :

« Il ne manque pas de gens qui se disent socialistes, et qui prétendent que la transformation sociale doit s’opérer par degrés, sans brusques secousses ; l’idée d’une révolution qui se donnerait pour programme de changer du jour au lendemain les bases de l’ordre établi est contraire à la nature même des choses, disent-ils ; le progrès lent et continu, voilà la loi du développement humain, loi que nous enseigne l’histoire et à laquelle des impatients, avides de coups de théâtre et de changements à vue, se flatteraient en vain de soustraire la société moderne.

« Ceux qui raisonnent ainsi confondent deux choses très différentes.

« Certes, ce n’est pas nous, matérialistes, qui méconnaîtrons cette grande