Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/461

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« Marx fonde son système sur des principes formulés par les économistes de la plus grande autorité, Adam Smilh, Ricardo, de Tracy, Bastiat et la légion de leurs adhérents. Presque tous les économistes, et M. Thiers, qui se fait en ce point l’organe de l’opinion aujourd’hui généralement reçue, soutiennent que l’origine légitime de la propriété est le travail. Si l’on admet ces prémisses, Marx prouvera, avec une logique irréfutable, que le capital est le produit de la spoliation. En effets si toute valeur vient uniquement du travail, la richesse produite doit appartenir entièrement aux travailleurs ; et si le travail est la seule source légitime de la propriété, les travailleurs doivent être seuls propriétaires. »

Qu’en dites-vous ? le capital est le produit de la spoliation, cela résulte du principe même posé par les économistes orthodoxes ! Et si l’on veut échapper à cette terrible conclusion, il n’y a qu’un moyen, un seul, nous dit M. de Laveleye : il faut renier cette vérité admise par tout le monde aujourd’hui, même par M. Thiers, que le travail est la seule source légitime de la propriété.

Laveleye, pour son compte, n’hésite pas : il jette par dessus bord Adam Smith, Ricardo, Bastiat, Carey et toute la troupe des économistes : il renonce à toute la tradition, il ne veut plus entendre parler des autorités. Mais cela ne lui servira de rien. Il se figure, en répudiant le principe que le travail est la source de la valeur, avoir échappé à la terrible logique du socialisme, avoir réussi à sauver les droits de ces capitalistes qui se voient proclamés spoliateurs, en vertu même des axiomes de M. Thiers et de ses maîtres ; mais il ne fait que tomber de Charybde en Scylla. En effet, que reste-t-il à un économiste qui va chercher l’origine de la propriété ailleurs que dans le travail ? il n’a plus d’autre argument à invoquer, pour légitimer la propriété, que le droit du plus fort, le droit de conquête, le droit divin. M. de Laveleye n’ose pas le dire, et peut-être n’ose pas le penser ; mais l’appel aux sentiments religieux, par lequel il termine son article, en renferme implicitement l’aveu.

Nous ne répondrons pas ici aux raisonnements par lesquels le défenseur des capitalistes a cherché à ébranler les affirmations du socialisme ; il nous faudrait donner à cette discussion des développements que ne comporte pas le cadre de notre journal ; d’ailleurs une revue spéciale, l’Économie sociale[1] de Bruxelles, a commencé une réplique à M. de Laveleye, et nous préférons lui laisser le soin de faire voir en détail combien les objections de ce critique tombent à faux et réussissent peu à entamer l’impénétrable armure du socialisme.


L’anniversaire du 28 septembre avait été fêté à Neuchâtel par une soirée familière, à l’occasion de laquelle se constitua une section de langue italienne, qui adhéra à la Fédération jurassienne.

Dans la première quinzaine d’octobre, les Sections jurassiennes s’occupèrent de l’élection de leurs délégués au Congrès général. Voici ce qu’on trouve à ce sujet dans le Bulletin :

« Par un vote presque unanime, les sections de la Fédération jurassienne ont décidé qu’outre les délégués de sections, il serait envoyé au Congrès de

  1. C’est la revue dans laquelle se publiait le cours d’économie sociale de De Paepe.