Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/485

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tions économiques de l’Italie et le tempérament des ouvriers italiens s’y opposent. Du reste, je tiens à déclarer que les Trade Unions, telles que les offre l’Angleterre et que De Paepe les préconise, sont à mes yeux une institution réactionnaire. »

Guillaume répondit : « Je ne puis m’associer au jugement que vient de porter Malalesta sur les Trade Unions. Ce n’est pas l’institution des Trade Unions, prise en elle-même, qui est réactionnaire : cette institution, qui n’est autre chose que la solidarisation des intérêts des ouvriers d’un même métier, est un fait économique naturel, nécessaire ; et c’est précisément sur la base de ces corporations ouvrières nées du développement de l’industrie moderne que devra s’élever un jour la société du travail affranchi. Ce qui est vrai et ce que Malatesta a probablement voulu dire, c’est que l’esprit d’un très grand nombre d’ouvriers des Trade Unions est encore un esprit réactionnaire. Dans le Jura, nous partageons l’opinion exprimée par De Paepe, c’est-à-dire que nous pensons qu’il faut chercher à faire entrer les associations ouvrières dans l’Internationale. Quand la chose n’est pas possible, nous ne demandons pas une adhésion collective formelle ; nous nous contentons de tâcher de faire entrer individuellement dans l’Internationale les hommes les plus actifs des associations ouvrières, de manière à amener, par leur intermédiaire, la propagande des idées socialistes au sein de ces associations. Ce n’est pas là constituer, de propos délibéré, une aristocratie socialiste : c’est tout simplement accepter la situation telle qu’elle est, et chercher à en tirer le meilleur parti possible. Relativement à la proposition faite par les socialistes de Danemark, je pense qu’en répondant à leur lettre nous pourrions les engager à présenter eux-mêmes leur proposition au Congrès universel dont nous discutons le projet. »

Brousse, tout en acceptant l’idée du Congrès universel ainsi que les questions proposées par Guillaume pour l’ordre du jour, signala un danger de division pour l’Internationale : la Fédération belge, par exemple, peut se trouver attirée, d’une part, par sympathie historique, vers l’Internationale existante, et d’autre part, par les tendances à l’action légale, vers celle que quelques-uns parlent de former. Brousse, lui, n’admet que l’Internationale existante, qui est assez large pour que toutes les organisations socialistes puissent y trouver place.

Portillo [Soriano] répéta que le Congrès proposé lui paraissait inutile, car, si les organisations constituées en dehors de l’Internationale veulent se rapprocher de nous, elles ont un moyen bien simple : entrer dans l’Internationale, où elles conserveront leur entière liberté d’action.

La proposition que j’avais formulée, relativement à l’ordre du jour du Congrès universel de 1877, fut ensuite mise aux voix : elle fut adoptée par les délégués des Fédérations belge, française, hollandaise et jurassienne ; ceux des Fédérations espagnole et italienne s’abstinrent.

Il fut ensuite voté sur la proposition de la Fédération belge : adhésion à l’idée d’un Congrès universel des socialistes à tenir en 1877. Cette proposition fut adoptée par les délégués des Fédérations belge, française, hollandaise et jurassienne ; ceux des Fédérations espagnole et italienne s’abstinrent.

« Après quelques explications échangées entre les délégués espagnols et italiens, d’une part, De Paepe et Guillaume d’autre part, les délégués italiens déclarent qu’ils se sont abstenus parce que la proposition présentée au Congrès leur paraît susceptible de produire des équivoques ; mais ils ajoutent qu’ils la voteront néanmoins, sous la condition de faire insérer au procès-verbal la déclaration suivante :

« Pour nous, l’Internationale est l’unique organisation existante qui représente véritablement le socialisme populaire ; par conséquent, nous croyons que notre association doit se faire représenter au Congrès socialiste, non pour s’y fondre dans une organisation nouvelle, mais seulement pour défendre ses principes et ses moyens d’action, et chercher à attirer à elle les organisations ouvrières qui ne sont pas encore entrées dans ses rangs. »