Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/514

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probation formelle à la répression brutale, ou trouve au moins qu’elle aura un résultat salutaire, celui d’effrayer les révolutionnaires !

Et c’est ce même Vorwärts pourtant qui, il y a quelques mois, constatait lui-même que la propagande pacifique est impossible en Russie ; c’est lui qui, à propos de la condamnation des paysans Ossipof et Abramenkof, accusés d’avoir distribué des brochures socialistes, s’écriait que pour les juges qui avaient rendu cet arrêt, la lanterne serait trop d’honneur, et faisait appel à la vengeance populaire.

Ajoutons que les journalistes qui aujourd’hui condamnent si dédaigneusement des mouvements dont ils paraissent ne pas comprendre la signification réelle, ne prennent pas seulement la peine de s’informer exactement des faits qu’ils apprécient. Ainsi le Vorwärts parle de la manifestation du 18 décembre comme ayant été faite à Kazan (il dit : Die Folgen der ganz unäberlegten und zwecklosen Démonstration in Kazan) : il ne sait même pas qu’elle a eu lieu à Petersbourg, devant une église qui s’appelle l’église de Kazan.

Encore une fois, ce n’est pas d’une pareille façon que la presse socialiste doit juger les actes accomplis par les révolutionnaires d’un pays voisin, même quand ces actes lui paraissent irréfléchis et téméraires.


Un groupe de douze émigrés russes envoya une protestation au Vorwärts. Ce journal ne la publia pas ; mais elle parut dans les colonnes du Bulletin (25 mars) ; en voici les principaux passages :


Monsieur le rédacteur du Vorwärts, à Leipzig.

Diverses circonstances ont empêché les soussignés de protester plus tôt contre un article paru dans le Vorwärts... Après un court récit du procès intenté aux participants de la démonstration, le Vorwärts conclut comme suit : « Il est à espérer que cette affaire servira de leçon salutaire (zum abschreckenden Beispiel) à la jeunesse révolutionnaire russe ».

C’est avec un profond sentiment d’indignation que nous avons lu ces lignes dans l’organe central des socialistes allemands. Une consolation nous reste cependant, c’est la certitude que nous avons que ce jugement, formulé par l’organe central du Parti socialiste démocratique, ne représente pas l’opinion générale de ce parti, mais bien seulement l’opinion personnelle du rédacteur du Vorwärts. Quoi qu’il en soit, nous considérons comme un devoir de protester contre une pareille attitude...

Nous sommes les partisans et les défenseurs du principe d’autonomie, et nous reconnaissons avant tout aux partis socialistes de chaque contrée une entière liberté d’action. Nous pouvons critiquer, dans des discussions théoriques, le plus ou moins de valeur de leurs moyens d’action, de leur tactique ; mais pourvu qu’ils reconnaissent les principes du vrai socialisme ouvrier, principes qui font la base du programme de l’Association internationale des travailleurs, nous voyons en eux des frères, des compagnons dans la lutte contre notre ennemi commun. Nous ne nous permettrons jamais d’unir notre voix à la voix des ennemis calomniant nos frères socialistes d’autres pays ; jamais nous ne leur jetterons une pierre qui vienne grandir l’édifice de pierres et de boue dont leurs ennemis essaient de les couvrir ; — et cependant, c’est ainsi que vous avez agi.