Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/531

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tout spécialement dans les cantons où existe la Fédération Jurassienne, notre tactique a produit de mauvais résultats, et qu’au contraire la tactique opposée a porté ou aurait porté de bons fruits.

La participation des ouvriers au scrutin, en Suisse, disons-nous, n’a jamais abouti qu’à des alliances de dupes avec l’un ou l’autre des partis bourgeois.

Qu’on nous démontre qu’il peut en être autrement ; qu’on nous démontre que l’élection de candidats réellement socialistes est possible en Suisse sans compromis avec la bourgeoisie, et que cette élection n’aurait pas pour résultat de fortifier le régime gouvernemental et autoritaire ; qu’on nous démontre que par ce moyen nous arriverions plus vite à détacher le peuple ouvrier des partis bourgeois et à le préparer à la révolution sociale, que nous ne pouvons le faire par la presse, par les meetings et par l’organisation corporative, — et dans ce cas nous sommes prêts à aller voter.


Dans le numéro du 25 février, le Bulletin notait la différence de procédés, à notre égard, entre certains membres de l’Arbeiterbund, qui se montraient courtois et conciliants, et d’autres membres de la même association, qui nous poursuivaient de leur inimitié. Voici le passage essentiel de l’article :


Les deux courants dans l’Arbeiterbund.

De plus en plus on peut constater, au sein de l’Arbeiterbund, une divergence entre deux courants. Certains hommes, pensant autrement que nous sur divers points importants, paraissent néanmoins désirer un rapprochement amical ; d’autres, poussés par des passions haineuses, ne cessent de nous combattre avec acharnement, et travestissent déloyalement nos idées dans la polémique. Aux yeux de ces derniers, une conciliation avec les Jurassiens serait un crime, un déshonneur : On peut faire alliance avec les partis bourgeois, disent-ils ; mais avec les socialistes du Jura, jamais !

L’esprit de rapprochement amical qui caractérise le premier courant paraît dominer dans le Comité central de l’Arbeiterbund, qui a son siège à Winterthour ; nous en trouvons à chaque instant des symptômes dans les communications officielles de ce Comité que publie la Tagwacht. En voici un exemple. Dans la Tagwacht du 3 février, [à propos de la lutte politique,] le Comité central... donne son appréciation sur le programme et la tactique des Jurassiens. Nous traduisons le passage :

« ... L’idée fondamentale des Jurassiens, c’est un Bureau fédéral, qui s’occupe d’administration et de statistique, mais qui ne doit point faire de politique. Mais il faut remarquer à ce sujet que, dans la forme sociale anti-autoritaire, personne ne fait de politique, pas même la Fédération des communes et des producteurs : car dans une société dont tous les membres sont placés sur le pied de l’égalité économique et vivent heureux, on n’a plus besoin de politique. La bourgeoisie n’a besoin en effet de la politique que pour maintenir l’inégalité économique ; et, par conséquent, nous n’avons besoin de notre côté de faire de la politique que jusqu’au moment où l’égalité sera établie. C’est ici que la tactique des Jurassiens et la nôtre se séparent ; car les Jurassiens disent : « La bourgeoisie se sert de la politique pour maintenir l’inégalité, par conséquent nous ne devons et nous ne