Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/549

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Robin, de son côté, le 20 mars, écrivait de Woolwich ce qui suit à Kropotkine, avec lequel il s’était lié pendant le séjour de celui-ci à Londres :


Nous attendons avec impatience de vos nouvelles[1]. J’espère bien en recevoir autrement que par le Bulletin, qui nous arrivera mardi ou mercredi prochain. J’ai lu la dépêche du Times[2], que j’ai envoyée à Guillaume avec un bout de copie et tout ce qui n’est pas annonce dans l’Industrial Review, me figurant que vous seriez encore à Neuchâtel. J’ai peur surtout pour Guillaume, qui est bien connu, qui doit être la bête noire des bourgeois et sans doute spécialement signalé aux gendarmes et aux vauriens auxquels vous aurez eu affaire. Dites-lui, quand vous le verrez, toute ma sympathie, et soyez notre intermédiaire puisqu’il est malade et écrasé par la besogne. J’espère cependant que ses névralgies ne durent pas...


Le 2 avril, Robin écrivait de nouveau :


Malgré votre enthousiasme, de votre récit, de celui du Bulletin, et de celui du Radical (que je vous envoie), il résulte pour moi une impression pénible. Bien des détails de la mise en scène me choquent... c’est difficile à écrire et peut-être très présomptueux de la part d’un animal aussi loin de la lutte que je le suis. Vous savez que je ne suis pas à priori pour la théorie des émeutes de détail ; leur succès pourrait seul me convaincre, et je ne vois pas le succès dans le cas actuel... Tenez, je n’aime pas ces réclamations paisibles à un préfet à qui, dans une révolution sérieuse, on aurait, le pistolet sur la tempe, fait rendre ses prisonniers, et à qui on aurait restitué avec gros intérêts les coups de bottes que les autres avaient reçus, et ces coups de sabre auxquels il est heureux, dites-vous, qu’on n’ait pas répondu par des coups de revolver ! Enfin tant mieux si je me trompe, si cela fait un effet utile pour la propagande ; mais je crains que beaucoup ne voient dans cette affaire qu’une rixe, une poussée, une bagarre, là où il fallait une vraie bataille révolutionnaire ou rien.


Une lettre de Brousse à Kropotkine, du 6 avril, donne un autre son de cloche :


J’ai mis, mon cher ami, un certain retard à répondre à votre lettre du 29 mars. Vous ne m’en voudrez pas si vous réfléchissez à l’avalanche d’affaires qui depuis le 18 mars me croule sur la nuque. La propagande commence à se dessiner à Berne, et en somme nous devons être assez satisfaits. D’abord l’impression générale est bonne. Dès le mardi 20 nous sommes allés dans un café que les ouvriers du pays fréquentent chanter le Drapeau rouge, et des applaudissements assez fournis nous ont accueillis ; nous sommes allés ensuite au café fréquenté par les bourgeois : ils chuchotaient à voix basse et semblaient terrifiés. Nous avons donc inspiré aux gros bonnets de la bourgeoisie une terreur salutaire et conquis les sympathies de la masse[3]. Passons à la réalisation pratique de la propagande du 18 mars à Berne. Tandis que la Section de langue française a littéralement doublé

  1. C’est-à-dire des nouvelles de la journée du 18 mars.
  2. Le Times avait publié un télégramme annonçant la manifestation de Berne et le conflit avec la police.
  3. Tous les Tartarins ne sont pas de Tarascon.