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de moi à Kropotkine, du 13 avril, que je remis à Mlle  Landsberg[1] pour lui servir d’introduction :

« Mon cher ami, Mlle  Landsberg, étant venue ici pour affaires, m’a parlé de vous, et m’a demandé si vous étiez en relations de solidarité avec les Russes du Rabotnik. .le lui ai dit que non, et qu’au contraire vous vous sépariez d’eux nettement. Pour qu’elle puisse mieux juger de vos sentiments à leur égard, je l’ai engagée à aller vous voir en retournant à Berne. Je profite de l’occasion pour vous serrer cordialement la main. »

Dans une lettre du lendemain, je lui disais encore :

« Hier, Mlle  Landsberg a dû aller vous voir, avec un mot de moi. Si je pouvais vous voir, je vous expliquerais beaucoup de choses, que du reste vous devez savoir, au moins en partie. Elle vous en aura dit quelques-unes. Quand vous verrez Brousse[2], parlez-lui aussi, et tâchez de vous expliquer à fond avec lui au sujet des hommes du Rabotnik, et au sujet de certains réfugiés français tels que Kahn et quelques autres. »

Il n’était pas inutile, je crois, de signaler en passant ces dissonances, — dont il sera encore parlé plus loin, — qui, en ce qui concerne les hommes du Rabotnik, remontaient au conflit de 1873 avec Bakounine, et, pour certains réfugiés de la Commune, avaient leur source dans des incompatihilités d’humeur ou des froissements d’amour-propre, plus encore que dans des dissidences doctrinales.

Il faut remarquer d’ailleurs que ces désaccords n’effleurèrent jamais les socialistes des Montagnes, entre lesquels l’entente demeura toujours complète.

Les réunions continuaient à se tenir, nombreuses et régulières, dans les sections, à la Chaux-de-Fonds, à Neuchâtel, à Berne, à Porrentruy ; le Val de Saint-Imier était le foyer le plus actif. On avait annoncé, pour le dimanche 25 mars, à Saint-Imier, une assemblée générale de toutes les sociétés ouvrières du district de Courtelary, convoquée par les comités réunis des diverses sociétés, avec cet ordre du jour : « Délibération sur le programme du parti ouvrier » : l’assemblée devait être suivie d’une soirée familière avec tombola : mais aucun compte-rendu de cette réunion ne se trouve au Bulletin. Il y eut ensuite, à Saint-Imier, le lundi 2 avril, une assemblée générale de la fédération du district de Courtelary, et le 9 avril une réunion publique de discussion, avec ce sujet à l’ordre du jour : « L’hygiène ».


Le mardi 10 avril, des dépêches publiées par les journaux quotidiens annoncèrent un mouvement insurrectionnel dans l’Italie méridionale. Brousse m’écrivit ce jour-là le billet que voici :


Je pense que tu as vu dans les journaux que nos amis d’Italie sont en campagne. En tout cas, voici ce que je sais : Près de Naples, province de Bénévent, deux bandes d’internationaux se sont montrées. L’une d’elles (30 hommes) a pris l’hôtel de ville d’un village, Pielino (?) près de Piedimonte d’Alife, et a brûlé les archives. Attaquée, elle a été, disent les feuilles bourgeoises, dispersée (pour moi, elle est allée se réunir plus loin ). On annonce que sûrement il y a des blessés de part et d’autre. Ce qu’il y a de plus triste, c’est qu’on annonce « qu’un certain Cafiero a été pris ». Ce n’est pas gai si c’est vrai ! Communique cette note aux amis de la Chaux-de-Fonds.

P. Brousse.


Il faut expliquer comment le mouvement insurrectionnel que nos amis italiens préparaient pour le mois de juin, s'était transformé brusquement en la prise d’armes prématurée et inattendue que le télégraphe venait de signaler.

J’ai parlé (p. 116) du concours qu’avait promis d’apporter au mouvement

  1. Mlle  Landsberg devint plus tard la femme de Brousse.
  2. Brousse devait faire le lendemain une conférence à la Chaux-de-Fonds.