Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/561

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bac furent envahis par les insurgés, et que le contenu en fut aussi distribué au peuple[1].

« Mais, dans l’intervalle, la police s’était donné beaucoup de mouvement ; et des détachements d’infanterie, des compagnies de bersagliers et des escadrons de cavalerie, outre les carabiniers, furent envoyés contre la bande.

« Ces dispositions militaires ne furent que trop bien couronnées de succès, car la bande, surprise dans une ferme, fut cernée, et ceux qui la composaient furent arrêtés au nombre de vingt-six, le soir du 11 avril, après avoir tenu la campagne pendant six jours[2].

« Ainsi, une fois de plus les armes de la bourgeoisie ont eu raison de nous... Quoique l’événement de Letino puisse paraître peu de chose, ce n’en est pas moins un fait d’une grande signification : en effet, c’est la première fois que, sans « décrets » et sans toute la mise en scène révolutionnaire habituelle, la révolution anarchique s’est affirmée sur le terrain de l’action.

« Vous ne pouvez vous imaginer quelles espérances cet événement avait fait naître dans notre camp ! quel désir ardent de la lutte ! et quelle frayeur dans la bourgeoisie ! On a fait des arrestations en masse à Rome, à Bologne, à Naples, à Florence ; dans beaucoup de localités on a pris des précautions aussi inusitées que si la révolution eût été aux portes.

« Malgré cela, tout n’est pas fini ; quelques débris de la bande parcourent encore les montagnes, et l’on entend partout comme une sourde rumeur de révolte.

« La semaine prochaine, je vous écrirai de nouveau pour vous donner d’autres détails. »


Il existait à Paris un journal que nous regardions comme sympathique à notre cause, et dans lequel écrivaient de temps à autre quelques-uns de nos amis : c’était le Radical. Quelle ne fut pas notre surprise et notre indignation de lire dans le Radical un article où Cafiero et Malatesta étaient insultés, et de constater que l’insulteur était Jules Guesde !

Je signalai l’incroyable article du Radical dans le Bulletin en ces termes :


M. Jules Guesde, collaborateur du Radical de Paris, raille agréablement les socialistes italiens qui ont osé, pour la première fois, tenter un mouvement sérieux et essayer de soulever les paysans contre leurs propriétaires et contre l’État. Il les appelle les fuyards de Cerreto, et cherche à faire croire que la majorité des socialistes d’Italie répudie toute solidarité avec eux.

« On sait — dit M. Guesde — que l’Internationale en Italie était depuis longtemps divisée en deux fractions, l’une aussi sérieuse, aussi ouvrière et aussi nombreuse, que l’autre laissait à désirer sous le double rapport du nombre et du sens, et que cette dernière seule s’était laissé entraîner à prendre la campagne. »

Ainsi, la Fédération italienne de l’Internationale, à laquelle appartiennent les insurgés, n’existe pas pour M. Guesde, ce n’est qu’un groupe insignifiant « qui laisse grandement à désirer sous le rapport du nombre et du sens » ; et il lui oppose une fraction « aussi sérieuse, aussi ouvrière et aussi nombreuse que l’autre l’est peu ».

Cette fraction sérieuse et ouvrière dont parle M. Guesde est si peu sé-

  1. À Gallo, le curé, nommé Tamburri, se déclara également partisan des insurgés, disant que c’étaient de braves jeunes gens, dont les intentions étaient bonnes, et il dissuada le peuple de toute idée de résistance.
  2. Ce dénouement, que Costa m’annonçait sans aucun éclaircissement sur les circonstances qui l’avaient amené, resta pour moi inexplicable, jusqu’au moment où une lettre de Malatesta, qu’on trouvera en son lieu (p. 211), vint enfin (2 juin) me révéler ce qui s’était passé.