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rieuse et si peu ouvrière, que la Fédération italienne a dû la repousser, parce qu’elle ne se compose que d’intrigants vaniteux, de Messieurs qui tiennent des Congrès en gants noirs et en chapeau de soie, d’avocats et de journalistes en passe de devenir députés, formant une coterie dont M. Guesde doit se souvenir d’avoir fait partie lui-même durant son séjour en Italie.

Par une singulière contradiction, dans le numéro précédent du Radical, M. Guesde avait fait l’éloge des socialistes russes récemment condamnés, et les avait défendus contre le journal de M. Gambetta. La République française ayant raillé ces « princes » qui se font « ouvriers », ces « princesses qui se placent comme cuisinières », ces « filles nobles qui entrent dans des manufactures », etc., et les ayant traités de « pauvres personnages », de « gens de peu de cervelle », dont « les procédés, les projets dépassent en absurdité tout ce que le socialisme a pu produire ailleurs, et ce n’est pas peu dire ». — M. Guesde lui avait fort bien répondu : il avait mis en relief tout ce qu’il y a de sérieux et d’admirable dans un mouvement qui, pour employer ses propres paroles, « sous la formule Terre et Liberté, ne vise à rien de moins qu’à fonder la liberté sur la seule base qui en fasse une réalité : la restitution de la terre et de tous les instruments de travail à ceux qui les mettent en valeur ».

M. Guesde n’a pas compris, à ce qu’il paraît, que le mouvement des socialistes italiens est absolument identique à celui des socialistes russes ; il ne sait pas, semble-t-il, que tous deux sont également réprouvés par les socialistes parlementaires de l’école de Marx ; il ne voit pas que louer l’un et blâmer l’autre, c’est tomber dans une inconséquence qui n’est pas permise à un homme sérieux, et que l’écrivain du Radical injuriant les « fuyards de Cerreto » est aussi odieux que l’écrivain de la République française persiflant les « gens de peu de cervelle » que le gouvernement russe envoie aux travaux forcés.


Le Bulletin du 29 avril compléta le récit de Costa, publié dans son numéro du 22, par quelques renseignements supplémentaires, extraits, comme ceux de Costa lui-même, de la presse italienne :

« Voici les nouveaux détails que nous trouvons dans divers journaux italiens sur le mouvement insurrectionnel des internationaux. Naturellement, ces détails étant tous empruntés à des organes de la bourgeoisie, nous ne pouvons en garantir l’authenticité.

« Le 2 avril, un monsieur et une dame, que l’on prit à leur langage pour des Anglais[1], vinrent louer à San Lupo (bourgade de quinze cents habitants, près de Cerreto, dans la province de Bénévent, à l’extrémité orientale de la chaine de montagnes appelée les monts du Matèse) une petite maison, éloignée des habitations ; puis ils partirent, disant qu’ils reviendraient le 10 avril. Le lendemain soir arriva un char, portant deux grandes caisses, qui furent déposées dans le logement de la soi-disant famille anglaise[2]. En outre, des inconnus commencèrent à arriver isolément dans la localité, et prirent pour lieu de ren-

  1. C’étaient Kraftchinsky et la jeune dame russe amie de Mme Volkhovskaïa.
  2. Comme le montre l’acte d’accusation, les armes contenues dans ces caisses furent déballées, le 3 au soir, par Ardinghi, tailleur, de Sesto Fiorentino, et par Innocenti, chapelier, de Florence. Tous deux retournèrent à San Lupo le 5, et ayant voulu se rendre, le soir du 5, à la gare de Solopaca pour y attendre Kraftchinsky et Grassi, furent arrêtés ainsi que ceux-ci.