Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/589

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la troupe arrive, et nous fait prisonniers sans que nous ayons pu faire une seule décharge ; nos armes n’auraient pas pris feu même dans une fournaise ardente[1].

« À cette heure nous sommes en prison. Il paraît qu’on veut nous faire promptement notre procès ; et nous nous en promettons beaucoup de bien et une grande propagande. Nous avons déjà déclaré au juge d’instruction que nous avions pris les armes pour provoquer la révolution. »

Ainsi s’explique enfin le mystère de ce dénouement qui paraissait si singulier. On se demandait comment les insurgés avaient pu se rendre sans combat, puisqu’ils étaient armés ; et, d’autre part, on se disait que si leur attitude avait témoigné d’un manque de bravoure, les journaux bourgeois n’auraient pas manqué d’exploiter cette circonstance : or, la presse n’avait rien dit, et s’était bornée à rapporter l’arrestation, sans donner de détails, et sans faire de commentaires. Maintenant nous savons la vérité : si la bande internationaliste, qui était composée en majorité d’hommes familiers avec la guerre et ayant déjà fait leurs preuves sur plusieurs champs de bataille, ne s’est pas servie de ses armes contre la troupe, c’est que ses armes étaient hors de service ainsi que ses munitions. Nous n’avons jamais, quant à nous, douté de nos amis ; et nous savions d’avance que, lorsque la lumière se ferait sur les circonstances de leur arrestation, leur honneur en sortirait sain et sauf.

Le procès, qui ne se fera pas attendre longtemps, nous en apprendra encore davantage, et nous sommes certains que l’attitude des insurgés devant la justice bourgeoise ne démentira pas le caractère digne et résolu que nous leur connaissons.

Un certain nombre de républicains d’Italie, nous écrit-on, ont fait parvenir de l’argent à la prison de Santa Maria Capua Vetere, à titre de secours pour les plus pauvres parmi les détenus socialistes. Les prisonniers, d’un commun accord, ont refusé cet argent, en répondant aux donateurs, par une lettre très polie, qu’ils ne pourraient accepter de dons que comme témoignage de complète solidarité envers leurs principes et leurs actes, chose qui ne pouvait être le cas de la part de républicains bourgeois.

La circulaire de la Commission de correspondance de la Fédération italienne, qui accompagne le récit traduit ci-dessus, se termine par ces paroles que nous nous faisons un devoir de reproduire :

« Et maintenant, amis, que vous avez lu le récit véridique des faits, quel jugement porterez-vous sur ceux qui n’ont pas eu honte de crier haro sur des hommes qui ne pouvaient répondre ?

  1. Voici quelques détails complémentaires, que m’a donnés Malatesta en 1907 : La bande employa les journées des vendredi et samedi 6 et 7 avril à se rendre de San Lupo (province de Bénévent) dans la région située au sud des montagnes du Matèse (province de Caserte) ; le dimanche 8, elle envahit les communes de Letino et de Gallo ; le lundi et le mardi 9 et 10, elle tenta vainement d’entrer dans d’autres communes : elle les trouva toutes occupées militairement ; le mardi soir, ses provisions étant épuisées, elle voulut acheter des vivres dans la ville de Venafro : mais les soldats donnèrent l’alerte, et poursuivirent la bande jusqu’à un bois où elle put s’enfoncer. Toute la journée du mercredi 11 fut employée à une longue marche sous la pluie et la neige ; et la surprise de la bande, harassée, dans la masseria où elle avait cherché un abri, eut lieu dans la nuit du mercredi 11 au jeudi 12 : deux des insurgés réussirent à s’échapper, mais furent arrêtés peu de temps après.