Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/603

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sur le papier, non sur un journal, non sur un tableau, elle ne sera plus sculptée en marbre, ni taillée en pierre, ni coulée en bronze : elle marchera, en chair et en os, vivante, devant le peuple.

Le peuple la saluera au passage.


Au moment où le Bulletin publiait cette série d’articles, arrivaient des États-Unis des nouvelles qui excitèrent une vive émotion. « À la suite d’une grève des machinistes du chemin de fer Baltimore-Ohio, — dit le Bulletin du 29 juillet, — une insurrection populaire a éclaté dans les États de Maryland, de Virginie Occidentale, de Pensylvanie et d’Ohio. Si à Martinsburg (Virginie Occidentale) les ouvriers ont été vaincus par la milice, à Baltimore (Maryland), ville de 300,000 habitants, ils ont été victorieux ; ils se sont emparés de la gare et l’ont brûlée eu compagnie de tous les wagons de pétrole qui s’y trouvaient. À Pittsburg (Pensylvanie), ville de 100,000 habitants, les ouvriers sont à l’heure qu’il est maîtres de la ville, après s’être emparés de fusils et de canons... La grève s’étend aux chemins de fer voisins et gagne la ligne du Pacifique. Une grande agitation règne à New-Vork. On annonce que les troupes se concentrent, que Sheridan est nommé pour les commander, et que les États de l’Ouest ont offert leur concours. » Dans le numéro suivant, un article détaillé, écrit par Kropotkine, raconta le dénouement de la crise, la reprise de Pittsburg, où deux mille wagons chargés de marchandises avaient été brûlés, la répression, le désarroi des grévistes par suite de la trahison de misérables faux-frères, et l’avortement final du mouvement. Mais s’il y avait eu, dans cette tentative de soulèvement populaire, des côtés faibles qui en avaient amené l’échec, Kropotkine louait avec raison les qualités dont le peuple ouvrier américain venait de faire preuve : « Ce mouvement aura certainement frappé profondément le prolétariat de l’Europe et excité son admiration. Sa spontanéité, sa simultanéité sur tant de points distants ne communiquant que par le télégraphe, l’aide apportée par les ouvriers de divers métiers, le caractère résolu du soulèvement dès le début, attirent toutes nos sympathies, excitent notre admiration, et réveillent nos espérances... Mais le sang de nos frères d’Amérique n’aura pas coulé en vain. Leur énergie, leur ensemble dans l’action, leur courage, serviront d’exemple au prolétariat de l’Europe. Mais puisse aussi ce noble sang versé prouver encore une fois l’aveuglement de ceux qui amusent le peuple avec le jouet du parlementarisme, lorsque la poudrière est prête à prendre feu, à leur insu, à la chute de la moindre des étincelles. »


Le Bulletin du 29 juillet publia ce qui suit :


Les membres de la Fédération jurassienne connus pour avoir pris une part active à la manifestation du 18 mars, à Berne, viennent de recevoir la pièce suivante :

Ordre de comparution.

Le président du tribunal correctionnel de Berne

Ordonne

« X... de paraître le jeudi 16 août 1877, à huit heures avant midi, à l’audience du tribunal correctionnel, dans la maison du Conseil d’État, rue de l’Arsenal, pour assister aux délibérations orales publiques, à l’enquête et au jugement qui peut être rendu contre vous : a) pour participation à une rixe avec usage d’instruments pouvant donner la mort ; b) pour résistance, avec l’emploi de la force, aux employés de la police.

(Suit la signature du président.)

Berne, le 17 juillet 1877.