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Milan, de Palerme et de Mantoue, ou, plus exactement, la rédaction de deux journaux trop connus, le Povero et la Plebe ; un délégué d’un groupe de Puteaux près Paris, Bert (pseudonyme) ; un délégué d’un groupe de Lyon, Paulin (pseudonyme) ; enfin un délégué d’un groupe de Paris, Robin (pseudonyme).

Ces divers groupes, au premier coup d’œil, ne présentaient qu’une masse assez confuse ; mais dès que le Congrès aborda les questions de principes, on les vit s’ordonner, et deux camps opposés se formèrent : d’un côté les communistes autoritaires, partisans de l’État et de la politique parlementaire, qui eurent pour eux les flamands, les Anglais, les Allemands, plus Bazin, Bert et Robin ; de l’autre côté les collectivistes, c’est-à-dire les onze délégués de l’Internationale fédéraliste et anti-autoritaire. Deux indécis, Paulin et Zanardelli, restèrent flottants, votant tantôt avec les uns, tantôt avec les autres.


Le Congrès ouvrit sa première séance active le lundi après-midi, lorsque le travail de la commission de vérification des mandats fut terminé. Quarante-neuf délégués étaient reconnus ou annoncés ; mais il n’y en avait guère qu’une trentaine de présents.

Il fut procédé à la nomination du bureau, que l’on composa de trois présidents : Van Beveren, de Gand, Rodriguez [Soriano], d’Espagne, et Fränkel, de Hongrie, et de deux secrétaires : Levachof [Kropotkine], de Russie, et Steens, de Bruxelles.

Quant au mode de votation, le Congrès décida qu’on voterait par tête, mais que les votes n’auraient d’autre caractère que celui d’un recensement des opinions, et ne constitueraient point des décisions liant les délégués.

Une discussion assez vive s’engagea sur la question de savoir si les séances devaient être publiques. Les délégués de Gand insistaient pour que toutes les séances fussent absolument privées. De Paepe réclama au contraire la publicité des débats, et son point de vue fut appuyé par les délégués de l’Internationale. Ce fut la proposition de De Paepe qui l’emporta, et les séances du Congrès furent déclarées publiques ; mais elles ne le furent que de nom, car le public ne brilla que par son absence ; en dehors de trois ou quatre journalistes, pas un seul auditeur n’assista aux débats du Congrès, et c’est une des particularités qui frappèrent le plus les délégués de l’Internationale.

Lorsqu’il fallut aborder l’ordre du jour, on reconnut de part et d’autre qu’il ne pouvait être question de s’occuper d’un pacte de solidarité avant d’avoir au préalable échangé ses idées sur les principes. D’un commun accord, les six points du programme du Congrès furent donc classés dans l’ordre où ils avaient été discutés à Verviers, qui était l’ordre logique.

Le soir, il y eut meeting dans la salle du théâtre. Les délégués étaient placés sur la scène, et un public composé d’un millier d’auditeurs environ s’était installé au parterre et sur les galeries. Les orateurs qui haranguèrent ce public étaient tous des Belges, sauf Greulich, qui fit un discours en allemand. Le comité d’organisation avait prié spécialement les délégués de l’Internationale de s’abstenir de prendre la parole, de crainte qu’une note discordante ne vînt troubler le concert, car, disaient les organisateurs, « la propagande que nous faisons à Gand est d’une nature spéciale, et il est nécessaire que ceux qui voudront parler au public s’entendent au préalable avec le comité, qui se réserve de donner le ton des discours ». Comme on le pense bien, les délégués de l’Internationale ne voulurent pas chagriner le comité de Gand en jouant le rôle de trouble-fêtes ; ils ne parlèrent donc pas au meeting, se réservant pour les séances du Congrès, qui, selon la décision prise l’après-midi, devaient être publiques, — et qui restèrent en réalité, comme il a été dit, des réunions privées, grâce à l’indifférence des ouvriers de Gand ou à un mot d’ordre donné par une autorité inconnue.


La j.ournée du mardi fut consacrée à la discussion de la première question du programme : Des tendances de la production moderne au point de vue de la propriété.

Lorsque cette question avait été proposée à Berne l’année précédente comme