Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/660

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et les propriétés », qui « affirmait la liberté individuelle et les droits de la propriété, le respect de la loi et de ses représentants ». Le Comité parlementaire essaya d’obtenir que ses pouvoirs fussent augmentés, et de se faire donner le droit de conseiller et de juger souverainement dans les difficultés et les disputes relatives au travail : « Alors (le jeudi soir) commence un joli tapage, — écrit notre correspondant, — qui prouve combien les gens qui ont subi jusqu’ici ces organisations autoritaires commencent à en être las. Ces Anglais qu’on peint si calmes, si parlementaires, se lèvent avec fureur. Tout le monde parle à la fois... » Après deux jours de discussions violentes, la proposition fut rejetée. Mais il ne faudrait pas croire que tous les opposants fussent des partisans de l’autonomie des groupes : l’argument que l’un d’entre eux fit valoir, c’était que les patrons pourraient se plaindre que les ouvriers, dans leurs revendications, fussent commandés par un pouvoir dictatorial ; cet opposant-là « était donc simplement guidé par la peur de faire de la peine à ces bons patrons et de perdre leur estime ».


En Saxe, Liebknecht fut élu (octobre) député à la Chambre saxonne ; mais il n’était pas éligible, parce qu’il n’y avait pas encore trois ans qu’il était devenu citoyen du royaume de Saxe. Son élection fut donc annulée : Liebknecht réclama, en s’appuyant sur l’art. 3 de la constitution de l’empire, supérieure aux lois particulières des divers États de l’Allemagne, pour affirmer qu’il était réellement éligible ; et le Vorwärts s’écria que la décision du gouvernement saxon devait être cassée, en vertu de la constitution de l’empire, sans quoi cette constitution serait violée ! Le Bulletin fit à ce sujet l’observation suivante : « Voilà à quel renversement des principes on en arrive avec la politique parlementaire et électorale. Des socialistes en sont réduits à invoquer en leur faveur l’autorité de la constitution même par laquelle a été établi en Allemagne le régime impérial ! Nous savons bien que ce n’est, de leur part, qu’un artifice de polémique ; mais avec ces artifices-là on va loin. Plus nous voyons à l’œuvre les partisans de la propagande légale, et plus nous sommes convaincus que le terrain choisi par eux est détestable, et que leur tactique ne peut conduire qu’à la démoralisation politique du peuple travailleur. »

L’Avant-Garde, de Brousse, écrivit de son côté : « Il est de mode aujourd’hui de s’extasier devant les succès obtenus par les frères d’Allemagne, et partout on cherche à les plagier. En faisant cela, on montre tout simplement des connaissances historiques imparfaites. L’Allemagne n’a pas encore eu sa période de centralisation jacobine ; son parti républicain radical n’est pas encore formé. Elle entre dans cette période, et ce parti se forme. Ce qu’on appelle le parti démocrate socialiste allemand n’est pas autre chose qu’une masse hétérogène contenant dans ses flancs le parti républicain mêlé au parti socialiste. Une scission certaine se produira entre ces deux groupes incompatibles. Le parti républicain se développera avec son chef Liebknecht et sa petite bourgeoisie, et le parti socialiste se concentrera de son côté. Liebknecht a été récemment élu en Saxe, mais comment ? En Saxe, le cens électoral existe ; c’est donc au vote, non des ouvriers, mais des petits bourgeois, qu’est dû le succès remporté. Que nos lecteurs soient attentifs à ce que nous venons de leur dire, et ils verront notre opinion de plus en plus corroborée par les faits. »

Le Vorwärts continuait sa propagande en faveur du sultan. Cette attitude lui valut de la part d’un socialiste berlinois l’envoi d’une correspondance dans laquelle la question d’Orient était appréciée au point de vue de l’Internationale. « N’est-ce pas, disait le correspondant, manquer de logique et de justice, que de condamner la révolution des peuples des Balkans, simplement parce qu’on hait le gouvernement russe et que celui-ci cherche à profiter de cette révolution pour réaliser ses plans de conquêtes ?... Nous jeter dans les bras des bachi-bouzouks par crainte des cosaques, nous aplatir devant le Grand-Turc parce que le tsar nous fait peur, me paraît peu digne de nous, et même légèrement ridicule... Justice même pour les Slaves : voilà ce que je demande de vous. À bas la tyrannie turque ! À bas la tyrannie russe ! Vive la révolution des Slaves des Balkans ! » Le Vorwärts imprima la correspondance : mais, dit le