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Le Bulletin de la Fédération jurassienne commence sa septième année d’existence avec une nouvelle administration. On comprendra que, lorsque tout le travail qu’exige l’expédition d’un journal se fait gratuitement, l’équité veut que la tâche soit partagée, et que de temps en temps la besogne passe des mains de ceux qui ont fait leur devoir dans des mains nouvelles. Telle a été la raison qui a motivé le transfert de l’administration de notre journal de Sonvillier à la Chaux-de-Fonds.

La rédaction reste la même, et continuera à s’inspirer des principes qui l’ont guidée jusqu’ici. Ces principes, on les connaît : ce sont ceux au nom desquels le prolétariat des deux mondes s’organise pour revendiquer ses droits ; ceux au nom desquels ont lutté et sont morts les héroïques combattants de la Commune de Paris, ceux pour lesquels souffrent de nombreux martyrs dans la déportation, dans les cachots ou en exil, en France, en Espagne, en Italie, en Russie, en Allemagne.

Indépendant de tous les partis politiques quels qu’ils soient, et n’appartenant qu’à la cause ouvrière et socialiste, le Bulletin offre une tribune libre à tous ceux qui voudront traiter dans ses colonnes des sujets relatifs à la question sociale, y signaler des iniquités, ou y revendiquer des droits méconnus...

C’est le concours effectif apporté à notre œuvre par tous ceux qui souffrent des injustices sociales, par tous ceux qui aiment la liberté, l’égalité et la fraternité, qui seul peut la rendre féconde. Nous appelons donc à nous tous ceux qui travaillent, tous ceux qui espèrent en l’avenir, tous ceux qui veulent lutter pour le droit et la justice.


Dans ce premier numéro, le Bulletin publia une chanson que nous avait adressée notre ami Charles Keller, l’auteur du refrain « Ouvrier, prends la machine » ; elle était intitulée : L’ouvrier n’a pas de patrie. Voici le refrain de cette nouvelle œuvre, qui n’a pas obtenu la popularité de la première :

Bâtard de la riche industrie,
L’ouvrier n’a ni feu
Ni lieu.
L’ouvrier n’a pas de patrie.
Misérable ouvrier, lève aujourd’hui ta main,
Et nous t’acclamerons demain,
République du genre humain[1] .

La fédération du district de Courtelary avait organisé pour le 2 janvier 1878 une grande soirée populaire. Le programme comportait, après une conférence du camarade Arnold Christen, cordonnier, sur le socialisme et la religion, la représentation d’un essai dramatique (dû à Adhémar Schwitzguébel, qui avait gardé l’anonyme) intitulé Une scène de la vie ouvrière : c’était une pièce en un acte, à douze personnages (dont une femme) ; un patron hautain, un ouvrier socialiste et sa femme, un propriétaire bigot, un bourgeois libéral, un jeune ouvrier indécis, un ouvrier noceur, etc. « Pour des critiques habitués au théâ-

  1. En 1905, Charles Keller a composé une troisième chanson qui, mise en musique, se chante aujourd’hui à Paris dans les groupes ouvriers où la Jurassienne est populaire. Les nouveaux couplets du chansonnier rappellent aux travailleurs que :

    L’acte seul fait du révolté
    L’invincible maître de l’heure.

    et concluent ainsi :

    Prolétaires du monde entier,
    Délivrez-vous vous-mêmes !