Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/683

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tre, la représentation de cette pièce par des ouvriers ignorant l’arf dramatique aurait probablement paru laisser à désirer ; cependant plusieurs personnes compétentes se sont déclarées satisfaites, et l’impression générale a été favorable à notre cause. » (Bulletin.)

Dans le Bulletin du 14 octobre, j’avais écrit que certains corps de métier qui avaient obtenu la journée de dix heures pourraient bien se voir ramenés à la journée de onze heures au nom de la loi sur les fabriques : la réalisation de cette prévision ne se fit pas attendre longtemps. On lit dans le Bulletin du 4 février 1878 :


Les maîtres ferblantiers de Zurich sont en querelle avec leurs ouvriers, et ont fermé leurs ateliers. Voilà plusieurs semaines que le conflit dure. Veut-on savoir ce qui a donné naissance à la querelle ? Les patrons, se fondant sur les dispositions de la loi sur les fabriques, ont voulu ramener à onze heures la journée qui était précédemment de dix heures ; les ouvriers ont résisté, les patrons les ont congédiés.

Voilà donc, ainsi que nous l’avions prédit, la loi sur les fabriques invoquée contre les ouvriers, contre la journée de dix heures ! Les ouvriers de la Suisse allemande, en croyant voter pour un progrès, ont donné à leurs patrons une verge pour les fouetter.


Vers la fin de janvier, le rédacteur de la Tagwacht, Greulicb, fit une tournée de propagande dans la Suisse française pour y réchauffer le zèle des quelques groupes d’ouvriers de langue allemande qui y représentaient l’Arbeiterbund. Le résultat de ce voyage fut de faire constater que dans les trois villes visitées par Greulich, Lausanne, Vevey et Genève, l’Arbeiterbund n’existait guère que sur le papier. On put lire, dans la Tagwacht du 2 février, qu’à Lausanne « le mouvement est presque entièrement endormi » ; qu’à Vevey, la population ouvrière s’était en général abstenue d’aller entendre Greulich, « pour des raisons locales » ; qu’à Genève enfin, le quartier général des agitateurs allemands, la ville où Joh.-Ph. Becker publiait son Précurseur (en français), l’inertie était plus grande encore : « Les corporations les plus actives sont réduites à presque rien (sind ganz bedeutend zusammengeschmolzen) . La soirée familière[1] et l’assemblée ouvrière n’ont réuni que peu de monde (waren schwach besucht) ; aussi ne peut-on, ici non plus, parler de succès (desshalb kann hier auch nicht von Erfolgen berichtet werden). Il nous semble que nos amis de Genève se sont un peu déshabitués de la vie publique et de l’action commune. » En reproduisant ces citations, le Bulletin ajouta :


Ces aveux établissent nettement ce que nous avons déjà dit souvent : C’est que l’Arbeiterbund n’a rien fait et ne peut rien faire dans la Suisse française... Il faut le reconnaître : à Genève, la campagne entreprise depuis 1870, par les meneurs de l’ancien Temple-Unique, contre le socialisme, en faveur du radicalisme bourgeois, n’a que trop bien réussi. La masse des ouvriers genevois, après avoir un moment étonné la Suisse et l’Europe par l’enthousiasme avec lequel elle s’était ralliée autour du drapeau de l’Internationale (de 1867 à 1869), est redevenue inerte, et suit docilement les agents du radicalisme... Il faut espérer, néanmoins, qu’un jour nous verrons la Genève ouvrière se réveiller ; mais ce ne sont ni les conférences allemandes de M. Greulich, ni les articles soporifiques du Précurseur, qui pourront amener ce résultat. Que la France bouge, que

  1. C’était, disait l’annonce publiée par le Précurseur, une « soirée théâtrale et dansante » où le compagnon Greulich, « l’habile agitateur », devait « se faire entendre dans un discours de circonstance ». (Note du Bulletin.)