Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/690

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priver de la liberté, attendu que notre seule présence est un péril pour cette société dont Monsieur XX. s’est fait le courageux champion. Montrez-le donc, votre courage, Monsieur XX., et signez vos écrits comme nous signons les nôtres. — Les délégués de la Fédération internationale de Florence : Gaetano Grassi, Aurelio Vannini, Francesco Natta.

« Grassi est l’un des huit prisonniers qu’on avait voulu envelopper dans le procès de la bande du Matèse, et qui viennent d’être remis en liberté. »

Quant aux bombes de Livourne, le Bulletin écrivit : « Le journal la Plebe nous apprend que ces projectiles étaient couverts d’une épaisse couche de rouille, et que le bruit public accuse la police de les avoir placés elle-même dans une cachette pour avoir l’occasion d’arrêter des socialistes. Les amis des jeunes gens arrêtés, ainsi qu’une loge maçonnique de Livourne, ont publié d’énergiques protestations. »


Dans les premiers jours de février eut lieu à Leipzig une grande assemblée populaire à la Tonhalle, pour traiter de la question d’Orient : « C’étaient les Sozial-Demokraten qui l’avaient convoquée, afin d’y faire voter des résolutions dans le sens de la brochure publiée dernièrement par M. Liebknecht. Ce fut M. Liebknecht qui ouvrit le débat, en répétant tout ce qu’il a écrit depuis plusieurs mois dans de nombreux articles de journaux... Après lui, un jeune bourgeois national-libéral, le Dr Frenkel, attaqua les Turcs autant que Liebknecht avait attaqué les Russes, et défendit la politique de Bismarck. En troisième lieu, la parole fut donnée à notre camarade Emile Werner, typographe, un socialiste anarchiste. Il demanda : « Que faut-il que deviennent les provinces opprimées ? » En opposition à Liebknecht, qui ne veut pas qu’on touche à l’intégrité de l’empire ottoman, ce qui signifie que les provinces révoltées devraient rester sous le joug des Turcs, Werner exposa le point de vue fédéraliste, par des citations du livre de Bakounine contre Mazzini, qui firent beaucoup d’impression sur l’auditoire ; il déclara que le devoir du peuple allemand était de réclamer, pour ces provinces, la liberté complète de s’organiser comme bon leur semblait. » (Bulletin du 25 février.) Une résolution présentée par Werner ne fut repoussée qu’à une petite majorité ; l’assemblée vota ensuite une autre résolution, identique à celles qui avaient été adoptées dans les réunions organisées par les Sozial-Demokraten en d’autres villes d’Allemagne.


En Russie, le procès des Cent quatre-vingt-treize se prolongeait. Le procureur se vit obligé, faute de preuves, de renoncer aux poursuites contre la majorité des accusés ; et en janvier 1878 cent neuf d’entre eux furent mis en liberté provisoire sous caution, mais sans être acquittés : un nouveau jugement devait statuer sur leur sort. Sur les nombreux détenus qui avaient été enveloppés dans ce procès[1], quarante-trois étaient morts en prison avant le jugement, douze s’étaient suicidés, trente-huit avaient fait des tentatives de suicide qui n’avaient pas réussi, et trente-huit avaient perdu la raison. La sentence du tribunal contre les quatre-vingt-dix-neuf autres fut prononcée en février : Mychkine, qui avait tué un cosaque en 1875 (voir t. III, p. 306), fut condamné à dix ans de travaux forcés ; contre trente-cinq, le tribunal prononça, pour la forme, la peine de plusieurs années de travaux forcés (Chichko, Rogatchef, Mouravsky, Voïnaralsky, Sinégoub, Sajine, Kovalik, Mme Brechkovskaïa, etc.) ou de la déportation en Sibérie (Volchovsky, Kostiourine, Lukaszewicz, etc.) ; mais il recommanda les trente-cinq accusés de cette catégorie à la clémence du tsar, en demandant que la peine des travaux forcés fût commuée en celle de la déportation, et que la peine de la déportation en Sibérie fût remplacée par celle

  1. Le nom de procès des Cent quatre-vingt-treize qui lui a été donné ne correspond ni au chiffre réel des détenus qui avaient dû y être impliqués à l’origine, ni à celui des accusés qui comparurent réellement devant le tribunal. Mais l’acte d’accusation signifié à ceux qui s’y trouvaient mis en cause comprenait exactement cent quatre-vingt-treize noms.