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À l’égard de la revision des statuts généraux, le Congrès vota qu’il serait proposé à toutes les Fédérations d’abroger tous les articles des statuts relatifs à l’institution d’un Conseil général, et d’instituer trois commissions, une Commission de correspondance, une Commission de statistique, et une Commission de résistance, placées chacune dans une Fédération régionale différente.

À la suite d’un rapport de la Section de Neuchâtel sur la question de la statistique du travail, le Congrès institua une Commission fédérale de statistique, dont le siège fut placé à Neuchâtel.

Le Congrès recommanda, aux sociétés ouvrières qui voudraient se constituer en fédération locale, les statuts de la Fédération ouvrière du district de Courtelary, comme offrant un guide qui pourrait les aider utilement dans la rédaction de leurs propres statuts.

Il fut décidé qu’outre les caisses de résistance constituées dans les sociétés corporatives, il serait recommandé aux Sections dites mixtes ou centrales de créer, elles aussi, un fonds de solidarité destiné au soutien des grèves, ainsi qu’à l’appui mutuel en cas de maladie ou de chômage.

La proposition de rendre la publication du Bulletin hebdomadaire avait été présentée de nouveau par la Section de Neuchâtel ; le Congrès décida qu’à titre d’essai, pendant une période de six mois, du 1er juillet au 31 décembre 1873, le Bulletin serait publié chaque semaine.

Une dernière question à traiter était celle d’un Congrès ouvrier suisse, qu’un comité d’organisation constitué à Genève convoquait pour le 1er juin à Olten (canton de Soleure). Ce Congrès devait avoir un caractère purement économique et s’occuper essentiellement de la création des Unions régionales de métier ; aussi l’idée en fut-elle accueillie avec faveur par le Congrès jurassien. Une résolution fut votée à l’unanimité, « recommandant à toutes les Sections jurassiennes d’envoyer des délégations au Congrès économique projeté à Olten, et de donner mandat à ces délégations de travailler à ce que le Congrès d’Olten prît pour base d’organisation ouvrière la fédération des métiers ».

La présence au Congrès jurassien du délégué Rossetti, de Genève, — arrivé le dimanche après-midi, — donna lieu, le lundi matin, à un échange d’explications sur la possibilité d’amener un rapprochement entre la Fédération jurassienne et la Fédération romande. La Section que Rossetti représentait ne faisait pas partie de la Fédération romande ; et elle avait pensé, expliqua son délégué, que sa position neutre lui permettrait d’offrir ses bons offices pour amener une réconciliation. Rossetti exprima l’opinion que les questions qui avaient produit la scission en 1870 étaient des questions essentiellement personnelles, qui n’existaient plus désormais ; il fallait passer l’éponge sur les vieilles histoires, et tâcher de rallier tous les travailleurs de la Suisse dans une seule Fédération nationale.

Schwitzguébel répondit que la Fédération jurassienne était toute disposée à faire la paix et à oublier le passé ; mais qu’il n’était pas nécessaire qu’elle fît le sacrifice de son autonomie en se fusionnant avec la Fédération romande et le groupe des Sections de langue allemande. Chacun de ces trois groupes avait sa raison d’être et représentait une tendance spéciale : il était donc préférable qu’ils continuassent à vivre de leur vie propre, tout en se donnant la main sur le terrain de la solidarité économique.

Rossetti ayant alors demandé quelle raison il pouvait y avoir pour que la Fédération romande et la Fédération jurassienne restassent séparées, en ajoutant que pour sa part il n’en voyait point, j’expliquai au délégué genevois la situation en ces mots :

« Ce qui continue à séparer les deux Fédérations, c’est le Congrès de la Haye et le Conseil général de New York. La Fédération romande a approuvé le Congrès de la Haye ; elle a accepté d’obéir au Conseil général de New York. La Fédération jurassienne se trouve dans le camp opposé, et même, pour ce fait, le Conseil général de New York a prononcé sa suspension de l’Internationale. »

Fort surpris de ce qu’il venait d’entendre, Rossetti déclara qu’il n’avait jamais ouï parler de la suspension de la Fédération jurassienne, et qu’il ne savait pas ce que cela voulait dire ; qu’à Genève, dans son entourage, on n’en