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Ce 13 février 1869. Genève, 123, Montbrillant.

Ami,

Je viendrai certainement samedi prochain, c'est-à-dire le 20 de ce mois. J'avais bien pensé d'abord, lorsque je vous ai écrit ma première lettre[1], n'aller que le dimanche, parce que tous les samedis soir nous avons des conférences sur la philosophie du peuple et des discussions ou plutôt des conversations aussi intéressantes qu'utiles sur la propriété collective, dans notre groupe genevois de l'Alliance. Mais Perron m'ayant dit que vos réunions ont surtout lieu le samedi, et m'ayant fait observer d'autre part que je pouvais bien manquer une seule séance, je vous ai écrit ma seconde lettre où je vous prie de m'attendre samedi. Je partirai avec le train du matin, c'est-à-dire à six heures quinze, de sorte que je serai chez vous à trois heures, et si vous voulez me le permettre je resterai avec vous et chez vous dimanche et lundi, parce que je veux absolument faire plus ample connaissance avec vous, et devenir, s'il est possible, votre intime tant par la pensée que par l'action. Je dois vous dire que vous avez fait absolument ma conquête, que je me sens entraîné vers vous, et que rarement je me suis trompé, lorsque j'ai obéi à de pareilles attractions. Nous aurons tant de choses à nous dire, à discuter et à concerter ! Je vous apporterai les conférences que j'ai faites dans notre groupe, et en outre toute notre correspondance avec le Conseil général de Londres, le Comité central de Bruxelles, celui d'Espagne et d'Italie, à propos de notre Alliance. Je vous dirai aussi des choses qui sans doute vous feront plaisir concernant les progrès qu'elle fait en France. — Il paraît que Perron ne pourra pas venir. Je ferai pourtant encore un effort pour l'entraîner ; écrivez-lui, appelez-le.

Adieu et à bientôt.

Votre dévoué.
M. Bakounine.


La semaine qui suivit la réception de cette lettre fut consacrée à préparer un 5e numéro du Progrès, qui parut le 20 février, c'est-à-dire le jour même de la venue de Bakounine au Locle. Ce numéro contenait un article intitulé Le christianisme libéral et M. le pasteur Comtesse, dans lequel j'indiquais l'attitude que, selon moi, les socialistes, après la publication du Manifeste du christianisme libéral, avaient à prendre à l'égard de F. Buisson et de ses amis. Venait ensuite la quatrième et dernière partie de l'étude sur l'impôt, dont les conclusions étaient les suivantes : deux solutions sont en présence, celle des socialistes et celle des économistes ; pour les socialistes, le seul remède aux abus de tous les systèmes fiscaux, c'est de modifier radicalement les rapports qui existent entre le capital et le travail, de façon que, les privilèges et les monopoles étant détruits, tous les citoyens deviennent producteurs et égaux ; mais « il est permis de se demander si, en attendant la transformation de la société, nous ne trouverions pas quelque avantage à consulter les économistes, et à essayer du remède qu'ils nous offrent » ; ce remède, c'est l'impôt progressif, duquel J.-B. Say a écrit : « Je ne craindrais pas de dire que l'impôt progressif est le seul équitable ». Le numéro se terminait par quelques explications, d'un intérêt exclusivement local, sur les circonstances qui, en 1861, avaient fait enlever aux contribuables étrangers le droit de vote en matière muncipale, qu'ils possédaient antérieurement ; et par la fin de l'article La vérité sur la grève de Bâle.

Voici l'article dans lequel se trouve exposé notre point de vue sur l'attitude à prendre à l'égard du christianisme libéral :

  1. Le billet du 5 février.