Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/179

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2o Le meeting demande au Conseil général de Londres de mettre à l’ordre du jour du Congrès de Bâle la question d’une organisation plus efficace et plus réelle de l’Internationale, afin que le prolétariat puisse opposer à la coalition de la bourgeoisie et des États une puissance capable d’en triompher.

3o Le meeting approuve la manière dont l’Égalité et le Progrès défendent les principes socialistes, et répudie complètement la ligne de conduite adoptée par la Montagne.

Il déclare en outre que l’Internationale doit s’abstenir complètement de participer à la politique bourgeoise.

4o Le meeting demande que la propriété collective et l’abolition du droit d’héritage soient discutés dans le journal l’Égalité.


Bakounine revint le soir avec nous au Locle, où cette fois je n’avais pu lui offrir l’hospitalité chez moi ; je l’accompagnai à son hôtel, et nous causâmes encore longuement. Le lundi il se rendit à la Chaux-de-Fonds, où on l’avait appelé, pour y prendre part à une réunion de la Section de l’Internationale. Voici ce qui s’était passé : Coullery, qui n’avait pas osé paraître au meeting, avait déclaré le lendemain à son entourage que s’il eût été présent, il aurait aisément réfuté les arguments de ses adversaires ; les collectivistes de la Chaux-de-Fonds lui offrirent alors de lui en fournir immédiatement l’occasion, et ils convoquèrent une séance pour le soir même, priant Bakounine de s’y trouver pour soutenir une discussion publique contre Coullery. La séance eut lieu, et, comme je viens de le dire, Bakounine s’y rendit. Il y prit la parole ; mais Coullery avait cru prudent de rester chez lui ; cette reculade après sa bravade du matin fut considérée comme l’aveu de sa défaite[1]. Bakounine repartit pour Genève le mardi matin.

L’adversaire ainsi mis en échec essaya néanmoins de prendre sa revanche. Coullery avait conservé des partisans à la Chaux-de-Fonds. Attaquant avec violence le Progrès et son principal rédacteur dans son journal la Montagne, il chercha à transformer une lutte de principes en une question de personnes. Dès le surlendemain du meeting, il me faisait poursuivre par ministère d’huissier, réclamant de moi le paiement immédiat de la somme de 633 fr. 54 c. que l’Association internationale des travailleurs lui devait pour l’impression du Compte-rendu du Congrès de Lausanne (voir ci-dessus page 107) : mesquine vengeance qui ne devait aboutir, comme on le verra plus loin, qu’à le déconsidérer aux yeux de toute l’Internationale. Coullery avait accepté du Comité fédéral romand, après le Congrès romand de Genève, le paiement d’un à-compte : il avait donc reconnu que c’était ce Comité qui était le débiteur responsable ; et le bon sens indiquait que, s’il s’adressait à un tribunal pour me faire condamner, personnellement, à payer ce que le Comité lui devait, il serait débouté d’une semblable prétention.

Bakounine imagina, pour aider nos amis de la Chaux de-Fonds dans leur lutte contre le « coullerysme », d’écrire une lettre destinée à Fritz Robert, dont l’attitude n’était pas aussi décidée que nous l’eussions désiré. Il m’envoya cette lettre pour être remise par moi au destinataire, si je jugeais qu’elle pût produire un effet utile. Voici ce curieux document, que j’ai conservé :


Ce 7 juin 1869.

Mon cher Fritz Robert, Il est incontestable que la Section de la Chaux-de-Fonds est fort malade, et que cette maladie exerce déjà et, si elle dure, ne manquera pas d’exercer encore davantage un effet funeste sur le développement et sur l’organisation définitive de l’In-

  1. Mémoire de la Fédération jurassienne, page 55.