Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/213

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1o Le Congrès déclare que la société a le droit d’abolir la propriété individuelle du sol et de faire entrer le sol à la communauté ;

2o Il déclare encore qu’il y a aujourd’hui nécessité de faire entrer le sol à la propriété collective.


Quant à la manière dont la société devrait organiser la production agricole, des opinions diverses se produisirent au sein de la Commission.

La majorité, formée de Becker, Collin, Janasch, Lessner, Lucraft, Rittinghausen, Sentiñon, Varlin, était d’avis que « le sol doit être cultivé et exploité par les communes solidarisées ».

Hess demanda la confirmation pure et simple des résolutions votées par le Congrès de Bruxelles.

Une minorité, dont De Paepe fut l’organe, pensait que « la société devait accorder l’occupation de la terre soit aux agriculteurs individuels, soit de préférence à des associations agricoles qui paieraient la rente à la collectivité ». Sans admettre, comme le faisait De Paepe, que le sol dût appartenir à la collectivité sociale (et cependant Langlois déclarait que « la terre, en tant qu’elle n’est pas un produit de l’industrie humaine, appartient indistinctement à tous » ), les mutuellistes Langlois et Murat disaient toutefois que « tout en concédant à quelques-uns (individus ou groupes) le droit de cultiver, à l’exclusion de tous autres, une partie du domaine commun, la société ne saurait leur abandonner aucun droit sur la rente foncière, et que cette rente appartient à la collectivité » ; ils se trouvaient donc pratiquement d’accord avec De Paepe sur le mode d’organisation de la production agricole.

La discussion eut lieu dans les séances du Congrès du jeudi après-midi et du vendredi matin et après-midi (9 et 10 septembre).

Le point de vue des mutuellistes fut exposé et défendu par Chemalé, Tolain, Langlois, Murat. Chemalé le résuma en ces termes : « Notre devise est celle-ci : L’outillage à celui qui le met en œuvre ; la matière première à celui qui la transforme et lui donne la valeur. Et le cultivateur seul serait exclu de ce principe ? Nous voulons réaliser une société où, par la réciprocité des services et la mutualité des garanties, l’égalité résulte de la pratique de la liberté. » Tolain, après avoir revendiqué les droits naturels de l’individu, auxquels la collectivité ne peut porter atteinte, proposa une déclaration ainsi conçue : « Le Congrès déclare que, pour réaliser l’émancipation des travailleurs, il faut transformer les baux de fermage, etc., en un mot, tous les contrats de location, en contrats de vente ; qu’alors la propriété, étant continuellement en circulation, cesse d’être abusive par ce fait même ; que, par conséquent, dans l’agriculture comme dans l’industrie, les travailleurs se grouperont comme et quand ils le jugeront convenable, sous la garantie d’un contrat librement conclu, sauvegardant la liberté des individus et des groupes. »

Parmi les communistes, Lucraft, Lessner, Eccarius redirent les arguments déjà connus. Cowell Stepney raconta que, dans le Wisconsin, il avait visité une tribu d’environ deux mille Indiens Onéidas : on avait donné à chacun d’eux un lot de terre ; mais, au lieu de faire de la culture individuelle, ils préférèrent unir leurs efforts et cultiver la terre en commun ; et, pour montrer que ces Indiens étaient des hommes de bon sens, Cowell Stepney ajouta que les missionnaires, malgré tous leurs efforts, n’avaient réussi à en convertir au christianisme que cinq dans l’espace de huit ans.

Bakounine, répondant à Tolain, dit que l’individu est un produit de la société, et que sans la société l’homme n’est rien. Tout travail productif est avant tout un travail social ; « la production n’étant possible que par la combinaison du travail des générations passées et de la génération présente, il n’y a jamais eu de travail qui puisse s’appeler travail individuel ». Il est donc partisan de la propriété collective, non seulement du sol, mais de toute la richesse sociale. Quant à l’organisation de la production agri-