Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/224

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droit soit également donné aux Fédérations nationales. Bakounine propose de donner au Conseil général le droit de refuser à des Sections nouvelles l'entrée de l'Internationale jusqu'au Congrès suivant, et de suspendre des Sections existantes ; quant aux Comités nationaux, il veut leur reconnaître le droit d'exclure des Sections de leur Fédération, mais non le droit de les exclure de l'Internationale. Devant la proposition de Bakounine, appuyée par Brismée, Robin retire la sienne. Hins demande que le droit de suspension n'appartienne qu'aux Comités fédéraux, et pas au Conseil général ; Greulich l'appuie. Lucraft ne veut donner le droit de suspension aux Fédérations locales que sous réserve de la ratification par le Conseil général ; Chemalé et Lessner parlent dans le même sens. Bakounine fait ressortir le caractère international de l'Association ; il est nécessaire, pour ce motif, que le Conseil général ne soit pas sans autorité ; il fait remarquer que, si les organisations nationales avaient le droit de suspension, il pourrait arriver que des Sections animées du véritable esprit de l'Internationale fussent exclues par une majorité infidèle aux principes. Liebknecht se prononce d'une façon encore plus catégorique pour l'extension des pouvoirs du Conseil général ; Spier également. Lessner parle en faveur de la proposition de Lucraft. Robin propose un amendement à la proposition de Bakounine. Le Congrès invite les auteurs des diverses propositions à se réunir dans une salle voisine et à s'entendre sur une rédaction qui sera soumise dans une séance ultérieure. »

Dans une lettre écrite plus tard à des amis italiens (23 janvier 1872), Bakounine a expliqué qu'en faisant sa proposition, destinée à permettre au Conseil général de protéger éventuellement une Section contre l'esprit réactionnaire de la majorité d'une Fédération, il pensait à la Section de l'Alliance, que le Comité cantonal de Genève avait refusé d'admettre dans la fédération locale genevoise, et que le Comité fédéral romand pourrait refuser d'admettre dans la Fédération romande (il arriva en effet que le Comité fédéral romand, sans oser repousser absolument la Section de l'Alliance, ajourna son admission dans la Fédération romande à une date indéterminée : voir p. 218). Loin donc de regarder le Conseil général comme un adversaire, Bakounine voyait en lui, à Bâle, un appui contre l'esprit réactionnaire d'une coterie locale. Voici ce qu'il dit dans cette lettre :


Ce n'est que le dernier Congrès, tenu à Bâle en 1869, qui a élargi quelque peu les pouvoirs du Conseil général, contrairement à l'esprit des Statuts généraux. Ce fut une grave faute, et je dois avouer que j'ai contribué beaucoup à lui faire commettre cette faute. Mea culpa, mea maxima culpa... J'étais arrivé au Congrès de Bâle avec cette impression, qu'une Fédération régionale, guidée par une faction intrigante et réactionnaire, pouvait faire des abus de pouvoir, et j'y cherchai un remède dans l'autorité du Conseil général. Les Belges, au contraire, qui connaissaient d'ailleurs mieux que nous les dispositions secrètes et très autoritaires de certaines personnes qui composent le Conseil général, et notamment de Marx, le personnage dominant de ce Conseil, les Belges étaient arrivés au Congrès de Bâle avec des dispositions toutes contraires. Ils dénièrent absolument tout pouvoir au Conseil général. Hins, délégué belge, et moi, nous nous combattîmes fortement. On nous chargea de nous entendre et de rédiger en commun un projet de résolution. Nous le rédigeâmes, et il fut accepté... Voilà les articles que j'ai contribué à faire, au moins pour les trois quarts, et je ne puis, encore une fois, que répéter ce cri : Mea culpa, mea maxima culpa[1].

  1. Nettlau, page + 426, note 3979.