Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/368

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Les uns veulent nous conduire aux élections : ils veulent un gouvernement ouvrier, un État ouvrier : avec ce système, il faudra naturellement qu'il y ait encore dans l'avenir des hommes d'État : et qui seront ces hommes d'État ? Précisément ces Messieurs qui nous recommandent si fort d'aller voter, et qui veulent tout bonnement se mettre à la place des gouvernements actuels.

Les autres nous disent : Il faut une société où tous seront égaux dès leur entrée à la vie ; où tous devront travailler de leurs mains et de leur tête ; où personne n'aura plus le droit d'exercer aucune autorité au nom de personne, où il n'y aura par conséquent plus de gouvernement, plus d'État, plus d'hommes d'État ; où les travailleurs, librement groupés, librement fédérés, administreront eux-mêmes leurs affaires sans avoir à subir la tutelle de personne.

Lesquels sont les véritables socialistes, et lesquels sont les ambitieux ?

Et quand le peuple aura raisonné de la sorte, son choix sera bientôt fait.


Encore la question politique.
(Solidarité du 7 mai 1870.)

Nous devons compléter notre article de samedi passé par quelques observations, afin de prévenir les fausses interprétations qui pourraient être données de nos principes.

En effet, il y a des personnes qui disent : Si les ouvriers s'abstiennent complètement de participer à la politique, les gouvernements pourront faire tout ce qu'ils voudront : nous verrons, en Suisse, les vieilles aristocraties revenir au pouvoir, et rétablir l'ancien régime. Plus de droit de réunion, plus de droit d'association, plus de liberté de la presse, plus de sécurité pour les habitants étrangers.

Nous avons entendu dire ces choses à plus d'un ouvrier.

Voici notre réponse :

Ces craintes sont chimériques. La vieille aristocratie a fait son temps, l'ancien régime est bien mort. Cet ancien régime a été détruit par la bourgeoisie, qui a, pour cela, bien mérité de l'humanité. Oui, cette bourgeoisie que nous combattons aujourd'hui parce qu'elle est devenue une classe exploitante, il y a eu un temps où elle était une classe révolutionnaire ; elle représentait alors le progrès, le droit, la justice. C'est elle qui a fondé toutes ces libertés dont nous parlions tout à l'heure : le droit de réunion, le droit d'association, la liberté de la presse, et son titre, dans l'histoire, sera d'avoir arraché ces conquêtes au vieux despotisme du droit divin.

Ces conquêtes de la bourgeoisie, la bourgeoisie ne se les laissera pas ravir. On pourra voir un moment, comme en France, une dictature militaire restreindre ces libertés ; mais la bourgeoisie ne s'y résignera pas, et profitera de la moindre défaillance du dictateur pour ressaisir les libertés compromises.

Soyons donc sans inquiétude sur ce point. C'est la tâche de la bourgeoisie libérale de maintenir l'œuvre de 1789 et de 1830. Et cette tâche, elle l'accomplit tous les jours, non pas sans doute par amour de la liberté et du prolétariat, mais dans son propre intérêt à elle.

Quant à nous, nous profitons de ces libertés, et nous nous en