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statuts de l’Association, le Conseil général n’a pas le droit de lui enlever son titre ;

Le Conseil général, dans son assemblée du 28 juin 1870, a unanimement résolu que le Comité fédéral romand, siégeant à Genève, conserverait son titre, et que le Comité fédéral siégeant à la Chaux-de-Fonds adopterait tel autre titre local qu’il lui plairait d’adopter.

Au nom et par ordre du Conseil général de l’Association internationale des travailleurs,

H. Jung,      
Secrétaire pour la Suisse.

Londres, le 24 juin 1870.

P. S. Nous vous rappelons, très amicalement, que nos Statuts généraux disent que tout mouvement politique doit être subordonné, comme un moyen, au mouvement économique.


En imprimant cette pièce, j’y fis, dans le même numéro de la Solidarité, la réponse suivante :


Nous avons plusieurs observations à faire sur cette lettre.

La première, c’est que le Comité fédéral, siégeant à la Chaux-de- Fonds, n’a pas demandé au Conseil général de prononcer un jugement sur le conflit romand ; il s’est borné à lui donner connaissance de ce qui s’était passé, en exprimant l’espoir qu’une conciliation viendrait bientôt mettre un terme au conflit. Cette lettre est datée du 7 avril 1870, et n’a reçu aucune réponse.

Si nous n’avons pas demandé au Conseil général de nous juger, c’était parce que nous prévoyions qu’un jugement, quel qu’il fût, n’aurait d’autre résultat que d’aggraver la situation en irritant les esprits ; notre espoir était d’arriver à rétablir la paix par des concessions mutuelles, sans l’intervention d’aucune autorité, d’aucun juge.

Le Conseil général a donc, selon nous, commis une grande faute en venant prononcer un arrêt que nous n’avions pas réclamé. Dans des conflits de ce genre, l’attitude la plus sage, de la part du Conseil général, serait de rester dans une réserve absolue.

Que devient en effet l’autonomie des groupes, garantie par les Statuts généraux, si le Conseil général, au lieu de laisser les Sections organiser librement leurs fédérations, les dissoudre, les reconstituer, changer leurs Comités, etc., intervient pour donner tort ou raison à une majorité ou à une minorité ? Une telle manière d’agir, d’imposer son autorité dans des choses qui ne concernent absolument que les groupes intéressés, est tout à fait incompatible avec l’esprit même de l’Internationale[1].

  1. Le Conseil général avait usé du droit que lui donnait l’article VI des Résolutions administratives du Congrès de Bâle : « Lorsque des démêlés s’élèveront entre des sociétés ou branches d’un groupe national, ou entre des groupes de différentes nationalités, le Conseil général aura le droit de décider sur le différend, sauf appel au Congrès prochain, qui décidera définitivement ». C’étaient justement les délégués de nos Sections du Jura qui, au Congrès de Bâle, avaient proposé de donner au Conseil général des pouvoirs que ne lui avaient pas accordés les statuts. « Oui, écrivais-je plus tard (10 juin 1872) dans une lettre au Bulletin de la Fédération jurassienne, c’est trop vrai et nous le reconnaissons, c’est nous-mêmes qui, dans notre aveugle confiance, avons donné au Conseil général des verges pour nous fouetter ; nous ne faisons aucune difficulté d’en convenir ; et après l’expérience que nous avons faite du fâcheux résultat des Résolutions administratives [de Bâle], nous ne nous sentons nullement embarrassés de reconnaître que nous avions eu tort de fournir des armes à l’autoritarisme, et qu’il est grandement temps de réparer notre erreur. »