Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/391

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Disons quelques mots aussi des arguments invoqués par le Conseil général à l'appui de son arrêt.

« La majorité du Congrès romand n'était que nominale. »

Et quelle preuve en donne-t-on ? Aucune.

Nous ne savons sur quoi le Conseil général peut appuyer son assertion, à moins que ce ne soit sur le fait, mis en avant par l’Égalité, que les dix-huit délégués de la minorité représentaient un plus grand nombre d'internationaux que les vingt et un délégués de la majorité.

Mais une telle manière de raisonner serait-elle sérieuse ? A-t-on jamais, dans les Congrès généraux, invoqué cet étrange argument pour faire annuler un vote ? Et cependant n'est-il pas arrivé très souvent dans les Congrès généraux que les majorités étaient aussi nominales ? Si un principe pareil devait prévaloir, voici ce qui pourrait se passer par exemple dans un Congrès : Z. arrive comme délégué de huit cent mille Américains, Y. comme délégué d'un million d'Anglais ; tous les autres délégués ne représentent ensemble que un million cinq cent mille internationaux ; là-dessus Y. et Z. déclarent former à eux deux la majorité réelle, et il ne reste aux autres délégués, écrasés d'avance, qu'à s'aller coucher et à laisser Y. et Z. rédiger et voter les résolutions du Congrès.

L'absurdité de ces conséquences fait suffisamment toucher au doigt l'absurdité du principe.

D'ailleurs l'article 47 du règlement de la Fédération romande dit : « Chaque Section faisant partie de la Fédération a le droit d'envoyer deux délégués au Congrès. La Section qui n'y enverrait aucun délégué perdra le droit de protester contre les décisions de la majorité du Congrès. »

Ainsi, aux termes mêmes de notre règlement fédéral, aucune protestation ne peut être faite contre les décisions de la majorité, et, en présence du vote émis par vingt et un délégués dont les mandats étaient parfaitement en règle, la minorité n'avait autre chose à faire que se soumettre, ou bien se retirer de la Fédération. Et, en effet, au premier moment, la minorité a annoncé simplement qu'elle se retirait. Ce n'est que plus tard qu'elle a émis cette prétention incroyable de se transformer en majorité, et d'obtenir du Conseil général l'annulation de la majorité véritable.

« Le Comité fédéral romand, à Genève, ayant toujours rempli ses obligations envers le Conseil général, etc., le Conseil général n'a pas le droit de lui enlever son titre. »

Cela est évident, mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Personne ne conteste à l'ancien Comité fédéral d'avoir rempli ses devoirs, et personne ne demande au Conseil général de lui enlever son titre. Le fait qui se présentait était infiniment plus simple, si simple qu'il n'y avait pas d'hésitation et de discussion possibles. Le Comité fédéral romand est élu par le Congrès fédéral romand : en 1869, le Congrès romand avait élu un Comité fédéral, dont le siège fut Genève ; en 1870, à teneur du règlement, le Congrès romand a élu un autre Comité fédéral, dont le siège a été placé à la Chaux-de-Fonds. Il n'y a pas là le moins du monde matière à une intervention du Conseil général : si les fédérations ne sont plus libres de choisir leurs comités, si les comités non réélus en appellent au Conseil général, il n'y aura plus d'Association internationale, il n'y aura plus que des sujets gouvernés par un Conseil général.