Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/392

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Dans ce qui précède, nous avons affirmé ce qui nous paraissait être notre droit. Ce n'est pas à dire que nous repoussions la solution indiquée par le Conseil général ; par amour de la paix, nous ne serions pas loin de l'accepter, mais nous ne nous la laisserons jamais imposer.

Quel est en résumé le sens de l'arrêt du Conseil général ? Le Conseil général reconnaît l'existence de deux fédérations, de deux comités distincts ; seulement il déclare que la qualification de Comité romand doit demeurer la propriété du Comité de Genève, et que celui de la Chaux-de-Fonds doit se chercher un autre adjectif.

S'il ne s'agit que de cette puérilité, la querelle sera vite terminée. Nous avons déjà fait preuve de modération et de sentiments conciliants, lorsque, abandonnant le titre d’Égalité, sur lequel nous avions des droits incontestables, nous avons donné à notre organe le titre de Solidarité, pour éviter une dispute qui eût ridiculisé le socialisme aux yeux de la bourgeoisie. Si maintenant la fédération genevoise tient à s'appeler la Fédération romande, malgré ce qu'il y a de peu exact dans cette dénomination, nous sommes encore disposés à lui laisser ce plaisir, et nous chercherons pour nous une épithète qui indique, comme le faisait l'adjectif romand, que nous sommes une fédération qui compte des Sections dans les cantons de Genève, de Vaud, de Neuchâtel, de Berne et de Soleure. Et comme cela nous mettrons une fois de plus les rieurs de notre côté.

Seulement nous voulons que cet arrangement résulte de négociations entre les Genevois et nous, et non d'un acte d'autorité du Conseil général de Londres. Et, si nous sommes bien renseignés, notre Comité fédéral doit s'entendre sans retard avec celui de Genève à ce sujet ; après quoi, espérons-le, nous aurons enfin la paix, et nous pourrons nous occuper de cet objet important dont la réalisation est notre préoccupation essentielle, en dehors de toutes ces chicanes ridicules : la fédération des caisses de résistance.

Le Conseil général, dans un post-scriptum, nous invite à nous conformer aux Statuts, qui disent que « tout mouvement politique doit être subordonné au mouvement économique, comme un moyen ».

Nous croyons nous y être parfaitement conformés, en ce sens que nous avons si bien subordonné le mouvement politique au mouvement économique, que nous avons résolu de ne plus nous occuper du tout de politique nationale[1]. C'est aussi ce qu'ont fait les Belges,

  1. On voit que je ne m'étais pas même aperçu que le texte donné par Jung du considérant relatif à la politique, texte qui contenait les mots comme un moyen, différait du texte reçu jusqu'alors parmi nous, et dans lequel ces mots ne se trouvaient pas. J'acceptai sans la moindre objection le texte cité par le Conseil général, et je n'y vis que ce qu'il contenait à nos yeux : l'indication de la subordination du mouvement politique au mouvement économique. C'est de la même façon que j'avais lu, le mois précédent, sans y attacher aucune importance, le texte du préambule des Statuts généraux publié dans le Socialiste du 11 juin (voir p. 52, note 2), où le troisième alinéa des considérants se terminait par les mots : comme un simple moyen. C'est de la même façon encore que Bakounine, rédigeant, dans la seconde moitié de juillet 1871, un écrit dont je parlerai en son lieu (p. 174), y cita le troisième alinéa d'après la version du Socialiste, sans même soupçonner que cette version différait du texte français voté à Genève en 1866. Nous étions à cent lieues de penser qu'un jour quelqu'un interpréterait les mots comme un moyen d'une autre façon, et prétendrait y découvrir l'obligation dictée aux socialistes de faire de la politique électorale, sous peine d'excommunication.