Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

12 août) venaient de poser plus nettement la question. Il s’agissait maintenant de savoir si la France continuerait à obéir au maître qui la conduisait à la ruine, ou si elle se révolterait :


Espérons que le peuple français, le vrai peuple qui n’est pas chauvin, saura enfin prendre en main ses destinées, et nous assurer une paix durable. Nos amis seront-ils assez forts pour réaliser ce vœu ? Nous allons les voir à l’œuvre. (Solidarité du 13 août.)


Le lendemain du jour où paraissaient ces lignes, une poignée de blanquistes faisaient, à la Villette, la tentative que l’on sait (dimanche 14 août). Le mouvement n’eut aucun écho, et l’on crut même généralement, alors, qu’il était l’œuvre de la police[1]. La Solidarité dit à ce sujet (20 août) :


Voici ce que nous écrit un correspondant bien placé pour savoir la vérité : « Les événements de la Villette sont une échauffourée de police dans laquelle on a essayé de compromettre les blanquistes et l’Internationale. Il paraît qu’on y serait arrivé dans une certaine mesure, puisqu’on a pu prendre des individus appartenant à la fameuse société secrète de Blanqui et quelques internationaux. Ce qui prouve du reste que l’Internationale était spécialement visée, c’est qu’une réunion privée devait avoir lieu le soir même de l’affaire, à la salle de la Marseillaise, rue de Flandre, à la Villette. À la porte, ceux qui essayèrent d’entrer trouvèrent un commissaire de police, qui, en vertu de l’état de siège, leur fit savoir qu’aucune réunion ne pouvait avoir lieu. C’est quelques minutes après qu’éclatait l’affaire, où l’on espérait englober tous ceux qui devaient se rendre à la réunion : fort heureusement le plus grand nombre s’en est allé, et quelques écervelés se sont seuls fait prendre. Du reste, Paris est très calme, personne ne bouge. Les nouvelles de la guerre n’arrivent pas ; on parle vaguement d’une grande victoire des Français entre Metz et Verdun, et, faut-il l’avouer ? deux victoires suffiraient à changer l’opinion ici en ce qui concerne la dynastie, et à raffermir Bonaparte. Autrement, le mouvement politique se fera de lui même au profit de je ne sais qui ; une bonne défaite encore, et le gouvernement est changé : c’est peut-être ce qui explique le silence et l’inaction des républicains[2]. »


Avant de continuer, je dois interrompre le récit des événements relatifs à la guerre pour parler de la Fédération romande et des incidents qui s’y produisirent dans le courant d’août. « En présence des éventualités que la guerre pouvait faire naître d’un jour à l’autre, nous sentions plus vivement que jamais le besoin de rétablir l’union entre tous les internationaux de la Suisse romande ; et les différentes combinaisons dont on avait essayé jusqu’alors ayant échoué, une nouvelle tentative fut faite sur d’autres bases : on proposa de renoncer au groupement par opinions, qui avait été la raison d’être des deux fédérations rivales, et de le remplacer par le simple groupement géographique, sans distinction d’opinions. C’est à la Section de Vevey [, qui déjà, par le meeting du 8 mai, avait tenté de réaliser l’apaisement,] que fut due l’initiative de ce mouvement ; avec l’entière approbation des Sections du Jura, elle décida (7 août) de se

  1. D’autre part, les journaux de l’empire prétendaient que le mouvement avait été payé par l’or prussien.
  2. Cette correspondance nous avait été adressée, si je ne me trompe, par Ed. Rouiller, qui fut secrétaire de Vermorel.