Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/408

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la tendance autoritaire, le socialisme doctrinaire, le communisme[1].

Tels étaient les deux groupes qui, après le Congrès de la Chaux-de-Fonds, se disputaient le droit de s’appeler la Fédération romande.

Il y avait, à ce groupement par opinions, un inconvénient qui pouvait devenir très grave : en parquant les opinions différentes dans deux fédérations distinctes et même hostiles, on s’interdisait toute propagande pour ses principes au sein du groupe opposé, on se condamnait réciproquement à l’isolement, à l’impuissance. Pour nous surtout, qui avons la ferme conviction que tous les travailleurs doivent devenir révolutionnaires collectivistes, et que le salut de la société est à ce prix, nous sentions vivement cet inconvénient. Le remède au mal nous a paru d’abord être la reconstitution de la Fédération romande dans son intégrité[2] primitive ; mais cette reconstitution s’étant montrée impossible, il a fallu chercher autre chose ; et cette autre chose, c’est le principe dont la Section de Vevey vient de commencer l’application.

Il faut renoncer à ce groupement par opinions, qui avait créé deux fédérations ennemies, et adopter le groupement géographique. Que toutes les Sections qui se trouvent placées dans une même région se fédèrent, sans qu’on exige, pour [l’entrée dans[3]] cette fédération, l’adhésion à telle ou telle profession de foi spéciale ; que chaque Section garde ses principes à elle, et qu’elle cherche à les faire prévaloir par la propagande ; que les Sections vraiment révolutionnaires se donnent pour mission de faire pénétrer leurs idées dans les Sections dont les principes ne sont pas encore les nôtres, et qu’elles s’efforcent de les gagner à la grande cause du socialisme populaire et an-archiste.

À ce point de vue, nous nous félicitons de voir la Section de Vevey se joindre aux Sections genevoises. Nous savons que les principes de la Section de Vevey sont entièrement conformes aux nôtres, et nous espérons qu’elle exercera, tant à Lausanne qu’à Genève, une heureuse influence dans le sens révolutionnaire.

Que ceux de nos amis de Genève qui pensent comme nous imitent la Section de Vevey ; et si l’intolérance de certains hommes veut encore essayer de les tenir à l’écart[4], qu’ils en appellent à l’Internationale tout entière.

D’un autre côté, que dans le Jura ceux qui ont marché un moment avec Genève fassent de même ; leur position géographique les engage à se fédérer avec nous : qu’ils viennent donc à nous, et constituons une fédération jurassienne dans laquelle il y aura place pour toutes les opinions. On y discutera nos principes et les principes des opposants ; et nous nous réjouirons de cette discussion, parce qu’elle servira à faire éclater la vérité et à propager nos idées.

  1. Le mot « communisme » est pris ici dans le sens spécial que nous lui donnions depuis le Congrès de Bâle : il signifie « communisme d’État ». Nous appelions, par abréviation, ce communisme d’État « communisme » tout court, par opposition à notre communisme antiétatiste et fédéraliste, que nous avions baptisé du nom de « collectivisme ».
  2. Dans la Solidarité on a imprimé « unité », mot que j’ai corrigé par« intégrité » sur mon exemplaire.
  3. Les mots entre crochets ont été omis dans la Solidarité.
  4. J’ignorais encore, au moment où j’écrivais ces lignes, la décision que la Section centrale de Genève, dans sa séance du 13 août, venait de prendre à l’égard de Bakounine, Perron, Joukovsky et Sutherland, et dont il va être question.