Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/444

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tenter un nouveau mouvement : Lankiewicz partit pour Lyon, porteur d’une lettre adressée à Palix et à Blanc, où Bakounine disait :


Chers amis. Marseille ne se soulèvera que lorsque Lyon se sera soulevé, ou bien lorsque les Prussiens seront à deux jours de distance de Marseille. Donc encore une fois le salut de la France dépend de Lyon. Il vous reste trois ou quatre jours pour faire une révolution qui peut tout sauver... Si vous croyez que ma présence peut être utile, télégraphiez à Louis Combe ces mots : Nous attendons Étienne. Je partirai aussitôt, en vous avertissant par un télégramme à l’adresse de Palix par ces mots : Étienne sera chez Madame Rochebrune tel jour, à telle heure.


Et il donnait des indications sur les précautions à prendre pour qu’il pût venir à Lyon incognito :


Mme  Blanc se trouvera à l’heure indiquée avec une voiture à la dernière station avant Lyon, — à cette même station où elle voulait me conduire. Je me mettrai en voiture avec elle, et elle me conduira tout droit au logement que vous m’aurez secrètement et prudemment préparé. Ce logement, qui ne doit pas être aux Brotteaux, où l’on connaît trop ma figure, ne devra être connu d’abord que de Palix, Blanc et Mme  Blanc, aussi bien que mon arrivée parmi vous. Nous verrons après quels seront les amis qu’il sera utile de conduire chez moi... Valence vous dira le reste. Mon cher Blanc, je te recommande deux choses : d’abord de venir t’inspirer toujours chez Palix, et ensuite de me tenir chaque jour au courant de ce qui se passe chez vous avec tous les détails possible, ce qui te sera facile avec le dictionnaire que je t’envoie et que tu dois garder et bien cacher chez Palix[1].


Mais Lankiewicz fut arrêté, la lettre et le dictionnaire saisis. Blanc fut emprisonné aussitôt[2], et Bakounine écrivait le 16 octobre à son ami Ogaref (en russe) :


Eh bien, frère, chaque jour ça va plus mal. Je viens de recevoir une lettre de Lyon m’annonçant que Blanc et Valence sont arrêtés, et que ce dernier était porteur d’un dictionnaire contenant les noms de tous nos amis, ainsi que des expressions très compromettantes telles que : assassinat, pillage, incendie, etc. C’est très mauvais, et cela les expose à un danger sérieux... L’ordre a été donné d’arrêter tous ceux dont les noms se trouvent sur la liste. Je ne sais pas encore combien d’arrestations ont été opérées. Mais il paraît certain que Blanc et Valence sont bien réellement emprisonnés. La police était venue chez Palix ; mais, le voyant malade et alité, elle l’a laissé tranquille. Les noms de Bastelica et de Combe se trouvaient aussi sur la liste. Je t’ai déjà écrit que de Tours était venu il y a quelques jours l’ordre d’arrêter Bastelica, mais qu’Esquiros et le préfet [Delpech] refusèrent de procéder à son arrestation, sachant bien qu’elle provo-

  1. Cette lettre a été publiée en entier par Oscar Testut, ainsi que le dictionnaire qui y était joint.
  2. Ross, qui était arrivé à Lyon quelques jours auparavant, croyant y trouver encore Bakounine , dut s’éloigner et repartir pour la Suisse, pour n’être pas arrêté aussi.