Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/455

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seront radicalement transformées ; Une Commune sociale (James Guillaume), essai dans lequel j’exposais, avec nos idées d’alors, ce que serait, « non pas une commune telle qu’on en pourra voir dans un siècle, alors que, la réforme sociale ayant été radicalement accomplie partout, il se sera formé une génération nouvelle qui n’aura gardé de nos préjugés, de notre ignorance et de nos misères qu’un lointain souvenir historique », mais « une commune immédiatement après la révolution sociale, pendant cette époque de transition dans laquelle il faudra faire du socialisme avec les hommes et les choses d’aujourd’hui ». Notre petit Almanach trouva de nombreux lecteurs, et l’édition en fut rapidement écoulée.

Je puis donner quelques indications sur cette activité silencieuse qui fut la nôtre pendant l’hiver 1870-1871, au moyen de lettres écrites par moi à Joukovsky, dont quelques-unes se sont retrouvées : ce sont les seules épaves restant de la correspondance très étendue que j’entretenais à cette époque avec de nombreux camarades, tant en Suisse que dans d’autres pays. Mais il convient, je crois, de mettre en garde le lecteur contre une illusion d’optique presque inévitable, dont il devra se défendre : en voyant ma documentation réduite presque exclusivement — pendant près d’une année — à des extraits de mes lettres à Joukovsky, il sera naturellement tenté de se figurer que celui-ci a joué à ce moment un rôle très important dans notre organisation et notre propagande, ce qui serait commettre une grosse erreur ; c’est le hasard qui a voulu que mes lettres à Joukovsky se soient seules conservées, tandis que celles, beaucoup plus sérieuses, que j’échangeais avec des amis plus intimes et des militants plus actifs, sont perdues.

Après son retour à Genève, vers le milieu de novembre, Joukovsky était rentré en rapports avec moi ; je l’avais vivement engagé à nous aider à ressusciter la Solidarité, en trouvant un imprimeur à Genève, et en assumant les fonctions de rédacteur en chef que j’avais dû abandonner en septembre. Il avait répondu qu’il accepterait la tâche si on la lui imposait, et qu’il chercherait un imprimeur.

Le 28 décembre, je lui écrivais à ce sujet :


Voici ce que les amis des Montagnes proposent : la Solidarité paraîtrait dans les circonstances importantes seulement, comme feuille irrégulière ; le prix de l’abonnement serait de deux francs pour vingt numéros. Maintenant, es-tu toujours disposé à te charger de cette lourde tâche ? as-tu trouvé un imprimeur ?... Ici les affaires vont mal, il n’y a plus d’Internationale du tout à Neuchâtel ; je suis le seul qui soit resté en correspondance avec les amis. J’espère pourtant que dans quelques semaines cette lassitude produite par les événements cessera. Cependant il ne faut pas se le cacher, les événements de France nous ont porté un coup fatal en dissipant bien des illusions, et il n’y a plus que les hommes tout à fait sûrs qui soient restés sur la brèche. Tu auras sans doute connaissance, par Schwitzguébel, du centre de propagande que nous avons formé à Saint-Imier : c’est le seul point où il y ait encore de la vie... Et Perron, nous a-t-il décidément abandonnés jusqu’au grand jour ? Il y a bien longtemps que je n’ai eu de ses nouvelles...


À Lyon, il avait été question, en novembre et décembre, de la création d’un journal socialiste qui se serait appelé la République universelle ; Richard, qui se tenait caché, avait été invité, par les quelques militants qui luttaient encore, à y collaborer[1]. Mais les événements du 20 décembre

  1. Il écrivait à Chol, le 27 décembre : « Les poursuites toujours menaçantes de la démocratie bourgeoise me forcent à me dissimuler hors Lyon. Mon père m’a parlé du projet de journal en question. Je suis tout disposé à y travailler, à la condition pourtant que je n’y occupe pas une position subalterne.... Comme je ne puis pas me montrer, il est tout naturel que Charnal, auquel nous pouvons d’ailleurs avoir toute confiance, soit rédacteur en chef. » (Lettre publiée par Oscar Testut.) — Dans le courant de décembre, Richard fit paraître une brochure intitulée Aux Français : simples appréciations d’un révolutionnaire, qui passa inaperçue (elle a été reproduite in-extenso par O. Testut).