Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/474

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de paix, et que les hommes de cœur de tous pays ne désespèrent pas ; qu’ils imitent les citoyens lyonnais, qu’ils relèvent et arborent le drapeau rouge, le seul qui n’ait pas été sali... Pas de paix, guerre, guerre à outrance ; retrempons nos forces dans le souvenir des épreuves passées... La république sociale universelle ou la mort ! » Et après avoir reproduit ces lignes, la Solidarité ajoutait : « Il est bon d’entendre une parole aussi virile que celle-là, surtout dans un moment où le moyen âge, restauré à Berlin, se prépare à étouffer tout vestige de liberté en Europe. »


On sait que le mouvement de Lyon s’arrêta de lui-même, parce que ses chefs, restés isolés, se débattirent dans le vide ; les membres du Comité provisoire disparurent les uns après les autres ; Blanc et Parraton, demeurés les derniers à l’hôtel de ville, durent enfin se retirer eux aussi (26 mars). À Marseille, le mouvement, commencé le 25 mars, fut plus sérieux ; les élections pour la nomination de la Commune étaient fixées au 5 avril ; mais le mardi 4, la ville était attaquée, bombardée et prise d’assaut par le général Espivent de la Villeboisnet après un sanglant combat. Je ne m’attarde pas à parler de la répression des mouvements de Saint-Étienne, de Narbonne, du Creusot, etc. Gaspard Blanc avait trouvé à Lyon une retraite sûre ; Parraton, lui, passa en Suisse ; il vint me voir à Neuchâtel, le 13 avril, et me dit qu’il se rendait à Paris pour y continuer la lutte aux côtés de nos amis ; je cherchai à le dissuader, lui faisant observer que toutes les lignes de chemin de fer étaient l’objet d’une surveillance qu’il ne pourrait déjouer ; il me répondit qu’il était sûr de dépister les mouchards, en se faisant passer lui-même pour un agent de police : il comptait pour cela sur une carte qu’il s’était procurée pendant son séjour à l’hôtel de police de Lyon en septembre[1] et qu’il me montra ; il persista donc, et prit le soir même le train pour Paris ; quelques jours plus tard j’apprenais qu’à la gare de Tonnerre, où tous les voyageurs avaient à subir un minutieux examen, il avait été reconnu et arrêté. Alerini se réfugia en Espagne[2].

Ici se placent deux lettres écrites par Bakounine, de Locarno, après son retour de Florence, à Ozerof et à Ogaref, le 5 avril[3]. À Ozerof il écrit (en russe) :


Voici la lettre à Varlin, pour toi. Je te l’envoie dès maintenant pour le cas où, aiguillonné par notre impatient ami Ross, tu te déciderais à partir pour Paris avant que les circonstances et principalement l’argent m’aient permis de me rendre auprès de vous. J’ai déjà écrit hier à toi et à Ross à ce sujet. La lettre à Varlin devra lui être remise par toi en mains propres. Selon toutes probabilités, les Parisiens seront vaincus, mais leur mort ne sera pas inutile, s’ils accomplissent auparavant leur besogne. Qu’en périssant, ils brûlent au moins la moitié de Paris. Malheureusement les villes de province, Lyon, Marseille, etc., se montrent aussi pitoyables qu’auparavant, du moins d’après les nouvelles qui me parviennent... Les hommes de talent et d’énergie se réunissent en trop grand nombre à Paris, si bien que je crains même qu’ils ne s’entravent mutuellement ; par contre, il n’y a personne en province... James est-il parti, oui ou non ?


Et à Ogaref (en russe) :


Que penses-tu de ce mouvement désespéré des Parisiens ? Quelle

  1. Un comité dit de sûreté générale, dont il avait fait partie, s’était installé à cette époque à l’hôtel de police.
  2. Bastelica n’avait pas pris part au mouvement de Marseille. Il s’était rendu à Paris dans les premiers jours de mars, et y remplit, pendant la Commune, les fonctions de directeur de l’octroi.
  3. Ces deux lettres sont imprimées dans la Correspondance.