Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/537

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« D'après la teneur de nos statuts, certainement toutes nos Sections, en Angleterre, sur le continent et en Amérique, ont la mission spéciale, non seulement de servir de centres à l'organisation militante de la classe ouvrière, mais aussi de soutenir, dans leurs pays respectifs, tout mouvement politique tendant à l'accomplissement de notre but final : l'émancipation économique de la classe ouvrière » ;

Attendu que des traductions infidèles des statuts originaux ont donné lieu à des interprétations fausses qui ont été nuisibles au développement et à l'action de l'Association internationale des travailleurs[1] ;

En présence d'une réaction sans frein qui étouffe violemment tout effort d'émancipation de la part des travailleurs, et prétend maintenir par la force brutale la distinction des classes, et la domination politique des classes possédantes qui en résulte ;

Considérant en outre :

Que contre ce pouvoir collectif des classes possédantes le prolétariat ne peut agir comme classe qu'en se constituant lui-même en parti politique distinct, opposé à tous les anciens partis formés par les classes possédantes ;

Que cette constitution du prolétariat en parti politique est indispensable pour assurer le triomphe de la révolution sociale et de son but suprême : l'abolition des classes ;

Que la coalition des forces ouvrières déjà obtenue par les luttes économiques doit aussi servir de levier aux masses de cette classe dans sa lutte contre le pouvoir politique de ses exploiteurs ;

La Conférence rappelle aux membres de l'Internationale :

Que dans l'état militant de la classe ouvrière, son mouvement économique et son action politique sont indissolublement unis.


C'était la première fois qu'on voyait invoquer, à l'appui de la thèse de la nécessité de la conquête préalable du pouvoir politique, l'autorité de l’Address de 1864. Jusqu'à ce moment, ce document, qui n'avait jamais reçu la sanction d'un Congrès général, avait été regardé comme exprimant simplemenl l’opinion personnelle de celui qui l'avait rédigé et des membres du Conseil général qui l'avaient approuvé, et c'était là ce que Tolain avait expliqué devant le tribunal correctionnel en 1868 (voir t. Ier, pages 64-65).

Le Congrès de Lausanne, en 1867, avait bien, en effet, déclaré que « l'émancipation sociale des travailleurs est inséparable de leur émancipa-

  1. Comme corollaire de cet « Attendu », la Conférence, par une résolution spéciale qui ne figure pas au nombre des dix-sept résolutions contenues dans la brochure, chargea le Conseil général « de publier, en anglais, en français, en allemand, une nouvelle édition authentique, et revisée, des statuts et règlements généraux ». Cette publication, datée du 24 octobre 1871, et intitulée « Édition officielle, revisée par le Conseil général », contient un Appendice où on déclare (dans l'édition française) que le texte français publié dans l'édition de Genève en 1866 « était défectueux sous bien des rapports », parce que « l'édition française (1864) des statuts provisoires de Londres avait été adoptée à Genève, comme une traduction fidèle », tandis qu'au contraire, « faute d'une connaissance suffisante de l'anglais, plusieurs paragraphes des statuts avaient été mal traduits », et qu'en outre « le Comité de Paris, d'où émane cette traduction, avait introduit des changements importants dans les considérants ». D'ailleurs, ajoutait le rédacteur de l'Appendice, une note de la p. 27 de la brochure imprimée à Genève avertissait que « le texte officiel et obligatoire des statuts et règlements serait publié par le Conseil général de Londres dans son compte-rendu du Congrès », compte-rendu le Conseil ne publia pas. En conséquence, le Conseil général déclare qu'il a fait au texte français, dans cette « Édition officielle révisée », les changements « nécessaires pour le rendre conforme à l’original anglais, et qui ont été prescrits par une résolution de la Conférence ».