Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/604

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En Espagne, cependant, avaient commencé à se manifester des dissensions fâcheuses, qui devaient aller en s’aggravant, et qui ont produit dans le prolétariat espagnol un déchirement profond, dont les conséquences sont encore sensibles aujourd’hui.

J’ai mentionné brièvement (t. Ier, p. 91, note 3 ; p. 129, lignes 22-26 ; p. 131, lignes 15-26) le voyage fait en Espagne par Fanelli, dans l’automne de 1868, qui eut pour résultat la fondation de la première Section de l’Internationale, à Madrid, puis, en 1869, d’une seconde Section à Barcelone. Fanelli était un des membres fondateurs de l’Alliance de la démocratie socialiste : il avait donc fait en même temps de la propagande pour le programme de cette Alliance, et avait recueilli un certain nombre d’adhésions. Lorsque l’organisation internationale, primitive, de l’Alliance de la démocratie socialiste eut été dissoute volontairement (voir tome Ier, p. 141) et que les divers groupes qui la constituaient eurent été invités à se faire recevoir, chacun pour son compte, dans l’internationale, comme autant de Sections, il n’y eut en réalité que le groupe de Genève qui se constitua en Section de l’Internationale ; les membres des autres groupes jugèrent inutile de procéder ainsi : comme ils étaient déjà, individuellement, membres des Sections internationales du lieu de leur domicile, ils prononcèrent simplement la dissolution de leur groupe local. Un certain nombre d’entre eux, néanmoins, désirèrent conserver en même temps leur qualité de membres de l’Alliance, et, à cet effet, ils se firent inscrire comme membres de la Section de l’Alliance de Genève. Nettlau, qui a dépouillé ce qui subsiste encore des archives de cette Section, est parvenu à reconstituer la liste à peu près complète de ses membres : on y trouve, outre une centaine d’internationaux habitant la Suisse, trois internationaux de France, onze internationaux d’Italie, et neuf internationaux d’Espagne. Voici les noms de ces derniers : Rafaël Farga-Pellicer, typographe, Barcelone ; José L. Pellicer, peintre, Barcelone ; Fr. Córdova y López, journaliste, Madrid ; José Rubau, député, Madrid ; Tomás Gonzalez Morago, graveur, Madrid ; Angel Cenegorta, tailleur, Madrid ; Francisco Mora, cordonnier, Madrid ; Gaspard Sentiñon, médecin, Barcelone ; enfin Celso Gomis, d’abord à Genève, puis à Barcelone[1].

Lorsque Farga-Pellicer et Sentiñon vinrent comme délégués au Congrès de Bâle, ils entrèrent dans l’intimité de Bakounine, et, tout naturellement, acceptèrent l’idée d’une entente entre les hommes qui, dans les divers pays où était organisée l’Internationale, se trouvaient d’accord sur un programme d’action. On a vu comment Sentiñon et moi nous allâmes ensemble à Lyon en décembre 1869, et ce que nous y fîmes. Au printemps de 1870, l’idée vint à Farga-Pellicer et à Sentiñon de créer à Barcelone un groupe local d’entente intime, dont feraient partie ceux de leurs amis qui leur inspiraient toute confiance. Mais tandis que, dans le Jura, où des groupes de ce genre existaient depuis 1869, l’entente se faisait de façon tout amicale et sans aucune réglementation, nos camarades espagnols, plus formalistes, crurent nécessaire — ainsi que nous l’apprîmes quand l’organisation fondée par eux vint à notre connaissance deux ans plus tard, en 1872 — d’avoir un règlement et un programme. Comme programme, ils prirent celui de l’Alliance de la démocratie socialiste, un peu remanié et abrégé ; et ils adoptèrent pour leur groupement secret le nom de l’organisation publique dont ils s’appropriaient le programme, celui de Alianza de la Democracia socialista. Quant à leurs statuts, en voici les principales dispositions[2] :

  1. On retrouve cinq de ces noms dans la liste des huit socialistes espagnols, amis de Fanelli, auxquels Bakounine m’avait engagé à envoyer le Progrès (tome Ier, p. 139, note 3).
  2. Le programme et les statuts de la Alianza ont été publiés par les membres mêmes de cette association, après la délation qui fut faite (voir plus loin p. 309) le 28 juillet 1872 par les rédacteurs de la Emancipación.