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fut élu, Bebel[1]. Son attitude au Reichstag pendant la Commune de Paris fut énergique : « Si Paris doit être vaincu maintenant, dit-il un jour, je dois vous prévenir que la lutte engagée à Paris n’est qu’un petit combat d’avant-postes ; que la bataille décisive, en Europe, est encore à venir ; et qu’avant peu d’années le cri de guerre du prolétariat parisien : Guerre aux palais, paix aux chaumières, mort à la misère ! sera le cri de guerre du prolétariat tout entier. » L’assemblée des représentants de la bourgeoisie allemande accueillit ces paroles par des risées.

Les poursuites furent reprises en octobre 1871 contre Bracke, Bonhorst, Spier et Kühn, qui, condamnés alors à l’emprisonnement, se trouvèrent, par suite de la détention préventive qu’ils avaient endurée, n’avoir plus de peine à subir. En mars 1872, Liebknecht, Bebel et Hepner furent poursuivis à leur tour, et comparurent devant le jury de Leipzig, sous la prévention renouvelée de préparation à la haute-trahison ; les débats durèrent deux semaines, et eurent un grand retentissement : Hepner fut acquitté, Liebknecht et Bebel déclarés coupables et condamnés à deux années de forteresse.

J’ai noté précédemment (tome Ier, p. 265, note 5) comment l’expression de sérieux travail souterrain, dont le président du tribunal de Leipzig avait demandé l’explication à Liebknecht, avait été interprétée par nous alors — faute d’avoir connu dans son intégralité le passage de la Confidentielle Mittheilung où elle se trouve — comme s’appliquant à l’intrigue marxiste en Allemagne, tandis qu’elle s’appliquait en réalité à l’action du Conseil général en Angleterre. Dans ses commentaires à ce sujet, le Mémoire de la Fédération jurassienne (p. 240) s’exprime ainsi au sujet des trois accusés du procès de Leipzig : « L’attitude courageuse du Volksstaat pendant la guerre et la Commune de Paris lui avait attiré beaucoup de sympathies ; et pour nous, objet des attaques imméritées de ce journal, nous lui rendions pleine justice, en regrettant ce que nous appelions ses erreurs, et en déplorant surtout qu’un homme de la valeur de Bebel — celui des trois qui nous inspirait le plus de sympathie — se laissât entraîner sans examen à des appréciations souverainement injustes à notre égard ».


C’est ici que je dois noter le commencement de mes relations d’amitié avec les deux frères Élie et Élisée Reclus, et la connaissance que je fis du jeune Andréa Costa.

On sait qu’Élisée Reclus, fait prisonnier à la sortie du 4 avril 1871, sur le plateau de Châtillon, avait été condamné à la déportation, le 15 novembre, par le Conseil de guerre siégeant à Saint-Germain-en-Laye, et qu’ensuite, sur l’intervention d’un groupe de savants de diverses nations, la peine prononcée par les juges militaires fut commuée, en janvier 1872, en celle de dix ans de bannissement. Cette nouvelle fut par nous tous accueillie avec une grande joie. Élisée se rendit à Zürich, où s’était installé son frère Élie, et où il retrouva ses deux filles et sa seconde femme (Fanny Lherminez). Mme  André Léo écrivait de Genève, le 24 mars, à Mathilde

  1. Schweitzer fut battu à Elberfeld-Barmen. Peu de temps après, il abandonna la présidence de l’Allgemeiner deutscher Arbeiterverein. Son successeur fut l’ouvrier Hasenclever, qui entra en fonctions le 1er juillet 1871. Le Sozial-Demokrat avait cessé de paraître en avril 1871, à cause de la diminution du nombre de ses abonnés ; il fut remplacé, le 1er juillet, par le Neuer Sozial-Demokrat. — Malgré la retraite de Schweitzer, l’hostilité entre les lassalliens et la fraction dite d’Eisenach n’avait pas diminué, et, comme les lassalliens nous témoignèrent à plusieurs reprises de la sympathie, les auteurs du libelle de 1873, L’Alliance de la démocratie socialiste, etc., ont associé les Jurassiens et les lassalliens dans les mêmes injures : « Les lassalliens, après avoir entravé pendant des années l’organisation du prolétariat, ont fini par devenir de simples instruments de police (p. 26)... Toute la presse libérale et policière a pris ouvertement le parti des signataires de la circulaire de Sonvillier. Ils ont été secondés dans leurs calomnies personnelles contre le Conseil général,... en Allemagne, par les socialistes bismarckiens qui, en dehors de leur journal policier, le Neuer Sozial-Demokrat, jouent les blouses blanches de l’empire prusso-allemand (p. 28). »