Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/635

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et, comme le dit avec raison la Federacion de Barcelone[1], il s’est dégagé de tout cela une lutte plus haute, une lutte de principes, qui sépare aujourd’hui l’Internationale en deux camps : c’est la lutte entre le principe de fédération et d’autonomie, d’une part, et le principe d’autorité, de l’autre. Et, à ce moment où cette lutte a pris le caractère d’une crise aiguë, nous ne pourrions, sans trahison, abdiquer, et renoncer à la défense de nos principes. Expliquons-nous d’abord, résolvons les grandes questions qui nous divisent, écartons les intrigants, les traîtres et les voleurs, — nous nous embrasserons après.


On a vu (p. 230) que Mme Bakounine avait fait le projet, lorsqu’elle eut appris, le 1er novembre 1871, la mort de son second frère, de se rendre en Sibérie, avec ses enfants, au printemps de 1872 ; je ne sais pas s’il s’agissait d’un simple voyage, ou si elle avait la pensée de fixer désormais sa résidence auprès de ses vieux parents. Dès le 22 février elle avait reçu de l’ambassade russe à Berne l’autorisation nécessaire (calendrier-journal). Elle fit un long séjour à Menton chez les Ostroga, du 21 mai au 9 juin ; et, le 30 juin, elle et ses enfants quittèrent Locarno ; Bakounine les accompagna jusqu’à Bâle, où, le 3 juillet, ils se séparèrent. Dans le calendrier-journal, Bakounine écrit : « 3. Séparation : pour combien ? pour un an ? pour toujours ? Antonie partie par Francfort (billet pour Berlin, par Cassel) à 8 h. ¾ matin. Moi arrivé Olten 11 h. ¾ ; dîné. Arrive Ross. Lettre à Cafiero. — 4. Ross part 8 h. ½ du matin ; moi, faute d’argent qu’il doit m’envoyer par télégraphe, ne partirai qu’à midi. Pars à 12 h. ; à Zürich à 2 heures. Rencontré par Holstein, Ralli, Ilrvacanin ; me loge chez ce dernier. » Bakounine établit, pour tout l’été, son quartier général à Zürich, où il se trouvait au milieu d’un cercle de jeunes Slaves, Russes et Serbes, qui l’accueillirent avec empressement et déférence. Sa présence à Zurich allait lui permettre de prendre une part plus active à ce qui se passait dans la Fédération jurassienne, aux affaires intérieures de laquelle il était resté jusqu’à ce moment complètement étranger.


Cependant le Conseil général venait de prendre une résolution hardie. Devant le mouvement des Fédérations qui réclamaient un Congrès, sa position devenait difficile ; Marx et Engels résolurent d’en finir en convoquant un Congrès général, mais en prenant leurs mesures pour assurer d’avance à leur parti une majorité toute faite, de manière à ce que le Congrès fût l’écrasement définitif des fédéralistes. En conséquence, le Conseil général convoqua le Congrès général de l’Association internationale des travailleurs pour le lundi 2 septembre 1872, à la Haye, en Hollande.

La convocation du Congrès de la Haye fut annoncée à la Fédération jurassienne par une lettre officielle signée Jung et portant la date du 10 juillet 1872[2]. Notre Comité fédéral se hâta de protester en ces termes (lettre du 15 juillet au Conseil général) contre le choix de la Haye :


Le bon sens indique que le lieu du Congrès doit être autant que possible un point central, à la portée de toutes les Fédérations ou du moins du plus grand nombre. Or, la Haye ne remplit pas ces conditions. C’est au contraire un point extrêmement excentrique, et le choix de cette ville rendrait presque impossible à une partie des Fédérations l’envoi de délégués, vu les frais énormes qu’elles auraient à supporter.

Le pays qui nous paraissait naturellement désigné pour être le siège du Congrès, c’était la Suisse, tant par sa position centrale que

  1. Numéro du 30 juin 1872, article reproduit dans le n° 13 du Bulletin (15 juillet).
  2. Elle est imprimée dans le supplément (27 juillet) au n° 13 du Bulletin.