Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/653

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Vous saurez déjà que la victoire est désormais gagnée. Les Italiens soi-disant internationaux ont tenu une Conférence à Rimini, où les représentants de vingt Sections ont résolu : « La Conférence déclare solennellement, etc. » [suit le texte de la résolution italienne convoquant un Congrès général anti-autoritaire à Neuchâtel en Suisse]. Il sera bon de publier cela immédiatement dans l’Internationale et la Liberté. Bakounine, dont le style se reconnaît dans tout ce document[1], voyant la partie perdue, ordonne la retraite sur toute la ligne et se sépare avec les siens de l’Internationale. Bon voyage à Neuchâtel !

... Cela vient en temps exact pour ouvrir les yeux aux Espagnols ; là nous avons réussi à tirer le renard de son terrier. Le Conseil fédéral actuel a été dénoncé publiquement comme traître à l’Internationale... La plus ancienne Trade Union du monde, composée de mécaniciens, filateurs et tisserands de la Catalogne, comptant 40.000 membres, s’est déclarée pour nous et envoie Mora, un des nôtres, au Congrès[2]... La résolution de Rimini achèvera l’Alliance en Espagne.

... Il y a encore un autre avantage. Désormais tout scandale public sera évité au Congrès[3]. Tout se fera avec décorum devant le public bourgeois. Quant au Congrès de Neuchâtel, on verra que ce n’est que la Fédération jurassienne avec quelques Sections italiennes qui s’y réunira, ce sera un fiasco absolu.


Malheureusement pour Engels et ses prédictions, les Jurassiens n’avaient pas été assez sots pour laisser le champ libre, dans le Congrès général, aux agents de Marx qui comptaient pouvoir s’y livrer, en l’absence de toute opposition, à un assassinat moral « sans scandale » et « avec décorum ». Acceptant la bataille, malgré les conditions désavantageuses et déloyales qui leur étaient imposées, les délégués jurassiens se rendaient à la Haye ; ils allaient y trouver les Espagnols, à qui les dénonciations d’Engels n’avaient point, comme celui-ci se le figurait, « ouvert les yeux » ; les Belges, que l’épître écrite à Glaser et communiquée par lui à Brismée avait laissés insensibles ; les Hollandais et les Anglais, qui arrivaient bien décidés à défendre le principe d’autonomie, — et le fiasco annoncé par le grand factotum de Marx fut celui de l’intrigue autoritaire : l’édifice de mensonge laborieusement échafaudé allait s’écrouler comme un château de cartes.



VI


Le Congrès de la Haye (2-7 septembre 1872).


Après être entrés en Alsace par Bâle, nous nous arrêtâmes, Schwitzguébel, Cafiero et moi, à Mulhouse, où nous voulions faire visite aux internationaux de cette ville. Nous nous rendîmes au cabaret de Mme  Weiss,

  1. Bakounine, je l’ai dit, fut aussi surpris et aussi mécontent que nous lorsqu’il lut la résolution de Rimini.
  2. C’était une fausse nouvelle: le délégué espéré ne vint pas. Il paraît que F. Mora, voyant la tournure qu’avaient prise les choses en Espagne, chancelait et manquait de résolution. Engels écrivit à Sorge le 16 novembre 1872 : « Tout ce qui a eu lieu en Espagne, nous le devons à l’énergie du seul Mesa, qui a dû tout exécuter à lui tout seul. Mora est faible, et a été un moment vacillant, (Mora ist schwach und war einen Augenblick schwankend). »
  3. Parce que, aucune délégation du parti anti-autoritaire, à ce que croyait Engels, ne devant y venir, on pourrait y prononcer en catimini les expulsions résolues d’avance.