Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans mon cœur comme un baume, et, tandis que je m’avançais à travers champs, une joie m’envahissait, comme si m’eût accompagné, pauvre autant que moi, le Créateur qui fait virer les mondes à la manière des toupies.

Le vent courait sur la soie bleue des blés et la ridait, et la crécelle des cri-cris tremblait comme un timbre de petite gare. La ligne de l’horizon dormait, étendue au-dessus des épis, et les feuilles des chaumes se soulevaient et retombaient telles que des oriflammes de mâts pour sauterelles. Parfois, on apercevait dans le ciel un nuage comme un bosquet d’ombres qui se serait enlevé de la colline, et, cependant qu’il glissait, elle s’illuminait, s’obscurcissait, s’illuminait à nouveau.

Vers une heure, je rencontrai des collégiens en récréation. Coiffés de képis bleu et or, ils ressemblaient, au bord du ruisseau où ils prenaient l’ombre sous des noisetiers et des aulnes, à de brillants insectes. L’un d’eux se leva et me donna deux sous. Je le saluai de si courtoise façon qu’une partie de la bande éclata de rire, ce dont je ne fus nullement vexé, parce que je ne sentis rien de cruel dans