Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/111

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prière du soir, qui plongea dans le puits frais des cieux comme une cruche où le cœur se désaltère.

Je dormis dans le foin des meuniers qui ne me laissèrent pas repartir sans m’avoir fait l’aumône de pain et d’un peu de lard. Certes ! je n’étais point vêtu comme le lys évangélique, mais j’étais aussi bien nourri qu’un passereau.

Plutôt que de prendre par la grand’route, je continuai en longeant le Gave qui reçoit l’affluent qui actionne le moulin où l’on m’avait donné asile. De six à onze heures et demie, je cheminai donc à l’ombre aqueuse des aulnes et des peupliers jusqu’à ce que j’élusse, pour m’y reposer, une sorte de tonnelle sauvage.

Bientôt l’angélus sonna sur la plaine grillonneuse. On eût dit que l’azur s’écaillait, métallique et poudreux, comme un papillon de l’Amérique du Sud, cependant que l’archange Gabriel, dans l’étendue brûlante, prononçait par le porte-voix d’airain les paroles qui nous mettent dans l’allégresse.

Un faucheur se présenta à l’entrée du refuge où j’étais assis.