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FEUILLES DANS LE VENT

à travers la colline et, à droite et à gauche, des treilles où des vieillards viennent manger du chasselas. À ses yeux la vie éclate comme un diamant taillé à travers quoi chaque créature ou chaque chose peu à peu apparaît : l’écrevisse que l’on saisit sous la souche dans le ruisseau, le papillon jaune, la digue, la salade sauvage que l’on déracine avec un couteau. La plus humble pierre lui est comme le palais de Salomon et le pain de sucre suspendu au plafond de l’épicerie comme le hennin de la reine de Saba qui s’avance entre huit hallebardiers.

Petite et si grande âme d’enfant ! petite comme la serrure par où il regarde l’avenue et les moissons entre les branches, grande comme la brise qui passe par le trou de cette serrure. Il assiste à des fêtes divines, il vit plus de contes que tous ceux qui lui ont été contés. Il déjeune dans une maison de campagne et, dans le vestibule, la fraîcheur pareille à une jeune fille échappe à l’été solennel. Il est midi, le clocher voisin est rongé par la lumière. Il est une heure et l’enfant s’endort, la tête contre son assiette à fleurs où