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FEUILLES DANS LE VENT

lèvres gardent un secret lorsqu’ils redescendent. Le petit garçon éprouve une tristesse en se retrouvant sur l’avenue de tilleuls du village. Le vieux percepteur, qui fume sa pipe et boit son absinthe entre les lauriers-roses du café, l’interpelle comme d’habitude : « D’où viens-tu, petit ? » Il répond à peine bonsoir, car son âme est pleine de la brise verte et bleue de la vallée entrevue là-haut. Cet homme à barbe blanche n’est que sur la terre, sous une jolie treille, oui, mais une treille qui n’est pas de l’autre côté, du côté où les jeunes filles jouent à la balle, du côté de la montagne brisée et claire. Bientôt l’enfant retrouve ses père et mère qui s’affectent de sa tristesse et qui ne comprennent point la cause de cette humeur. Toute sa vie il éprouvera la nostalgie du ciel terrestre qui lui donne la nostalgie de l’autre Ciel. Et désormais lui et sa nourrice conserveront, chacun dans son cœur, cette confidence que Dieu leur a faite auprès de la cabane, encore qu’il ne leur ait pas apparu.

Au delà des champs patriarcaux et de la route où va la couturière tenant un rameau