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FEUILLES DANS LE VENT

nant, comme des oiseaux, dans le ciel qui est la source de la source.

J’ai longtemps contemplé avec angoisse le cours de la rivière dont le commencement et la fin m’étaient cachés. Mais la voix du Père s’est élevée aussi vers moi dans le fracas irrégulier, coupé de silences, de la chute. Et j’ai remonté le courant jusqu’à la source où tant de choses et de créatures m’ont apparu qui avaient trait à la Terre ou au Ciel : sur la tête de la paysanne qui s’éloigne, la cruche dont l’argile bombée sue comme le front du travailleur ; la pierre que le faucheur vient humecter pour aiguiser sa faux altérée comme une moissonneuse qui a trop chanté. Voilà pour les minéraux. Quant aux animaux : le lièvre que j’ai dessiné d’un style pur, et il s’en allait comme à regret, frère de ma pensée attardée à trop de circuits et qui regagne enfin la haute vigne ; l’écureuil qui n’a aucun poids et qui flamboie en s’esquivant, c’est le serment d’amour d’un jeune homme volage ;