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FEUILLES DANS LE VENT

elle a patiemment dessiné, peint, verni d’admirables gerbes. Je dis admirables, je ne veux certes point affirmer qu’elle a possédé ce génie qui, dans le tissu des corolles, enferme le mystère des sèves, mais je veux exprimer qu’en dehors de toute prétention à l’art, cette peinture rococo porte l’empreinte d’une âme si haute et si pure qu’aucune œuvre célèbre ne saurait me toucher davantage.

Il faudrait évoquer une à une les journées durant lesquelles cette âme tendre et contrainte mit dans chacun de ces calices un peu de son éternité. Ce que l’on dit, ce que l’on disait alors à son fiancé, elle ne se maria point par dévouement à cette sœur dont j’ai parlé, elle l’a confessé à ces brûlantes corolles. Il est des roses qui semblent éclater, jaillir de leurs vertes gaines ainsi que des cœurs d’adolescentes dans l’exaltation des soirs de Mai. L’une de ces roses entre autres m’a douloureusement parlé. Je suis bien sûr qu’elle la peignit dans une