Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/308

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La mère de Pomme d’Anis, qui interroge, est belle encore, d’une beauté un peu rude que n’use point sa diligence. Amie des travaux familiers, fille d’une de ces maisons anciennes où régnent l’ordre et l’économie, elle avait grandi saine et forte parmi les armoires sonores que bourre le linge odorant. C’est elle qui, dès son jeune âge, dans la salle à manger familiale, rompait le pain, rangeait les fruits, plaçait l’épaisse carafe azurée sur la nappe, veillait à ce que la fontaine de marbre ne tarît point. On racontait que le jour même de son mariage elle s’était levée à trois heures du matin, fraîche comme la campagne qui s’éveille, qu’elle avait mis le nombreux couvert toute seule, orné les compotiers de capucines, habillé de petits cousins… Et qu’en moins d’une demi-heure elle avait vêtu sa robe de noces…

Heureux, disaient les anciens en parlant d’elle, heureux qui prend la main d’une telle femme ! Elle est de la race des anges et des servantes.