Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/350

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de Noël, tout écroulé sous des pivoines d’un violet pâle comme la neige.

L’après-midi, ils sont quatre à la porter sur leurs épaules : deux jeunes gens inconnus, oncle Tom, et Johannès qui est brancardier. Oh ! le pauvre cœur, alors martyrisé, de Pomme…

Un bourdon tonne dans le soleil. Une cloche lui répond, crie vers Dieu, une cloche qui a la voix d’une prime communiée. La foule bouge, s’ordonne, se déroule comme un fleuve de feu qui charrierait des chasubles d’or. L’âme de la douleur s’exalte dans les supplications. Une trombe d’encens, de lumière, et de cantiques s’élève dans l’azur qu’elle dévore. Des estropiés, des cancéreux, des malades dont les maladies n’ont plus de nom, tendent leurs bras en croix vers les clochers devenus fous. Un enfant, dans une voiture, a les yeux et le nez rongés par une lèpre… Et la voix frêle de la petite cloche se distingue toujours au milieu de l’assourdissante batterie des autres, semble demander à Dieu sa part d’éternité. Et je ne sais quelle bonté plane parmi ces misères.