Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/351

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Et Pomme d’Anis domine la foule. De sa civière elle aperçoit les têtes nues des hommes, les mouchoirs des Béarnaises, les coiffes bretonnes inclinées dans la brise comme les voiles des bateaux dans la tempête. Maintenant, elle se sent heureuse, à peine balancée par Johannès et l’oncle Tom comme une fleur de mousseline aux pieds du Seigneur.

Au moment de la bénédiction, elle croit qu’elle va mourir frappée par l’amour de Dieu. Un frisson pareil à celui que propage le tonnerre des orgues parcourt ses bras, passe dans ses cheveux comme une brise glaciale.

Quand elle sort de la piscine, elle boite encore. Mais au moment où Johannès élève le brancard où l’on l’a recouchée, la jeune fille sent son oreille ravissante caressée par un souffle aussi doux que les cantiques. Et elle entend une voix, venue du ciel peut-être, qui lui murmure :

— Je vous aime.

On la ramène, folle d’une silencieuse joie. Et, toute la nuit, son rêve n’est qu’un délire