Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/387

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mon sang. Et il y a un tel vertige dans la nature de ces choses, si forte est la chair, ou si faible, que c’est comme si l’on vacillait. Surtout par des chaleurs pareilles. Cet homme qui conduit la machine est le même qui, aux dernières vacances, s’était entaillé la paume de la main contre sa faux, en faisant le geste de chasser une abeille. Je ferai bien de brûler cette lettre : « Je n’ai plus à vous cacher que je vous aime plus que mon honneur et plus que mes enfants. À demain quatre heures, comme vous l’avez promis à Paul qui n’y sera pas. Il ira à Belle-Plaine avec les enfants, je pense, prendre des nouvelles de Gervier qui est plus mal. À vous. — Françoise. »

Elle est terrible ! Quelle imprudence ! Que cette lettre eût été perdue ? Que le domestique à qui elle a dû la confier hier pour la mettre à la poste l’eût égarée ? Voici la servante qui vient cueillir des cerises pour le dessert. Qu’elles sont rouges sur l’arbre ! On dirait de grosses boules de sang et de soleil. Il y a des femmes qui ont les lèvres ainsi faites, et si rouges qu’il semble que la bouche n’ait point de muqueuse, mais que le sang y af-